Te souviens-tu encore, ô Seigneur d'Imladris, du sourire de Celebrian? Car tu étais l'ombre de son coeur et tes mains en connaissaient la moindre forme. Et jusqu'aux étoiles dans le ciel savent ton chagrin, toi qui ne lit la marche des saisons que par la douleur du partir. Trop t'ont déjà quitté, Seigneur, bien trop...
Un feu dans la pierre, une épée brisée, la force d'une douleur, tels étaient les yeux de Maglor lorsque Elrond eut à croiser son regard pour la première fois. Le sang encore frais souillait la lame d'une couleur trop vive, trop incompréhensible même pour un enfant. Il sentit le cri muet d'Elros gronder dans une gorge déchirée, lui-même n'osait faire le moindre son. Main dans la main -les ongles de son frère, comme cinq petits poignards, il saignait- les enfants d'Eärendil attendaient que vienne la mort.
On ne sait quelle pitié, quel triste amour frappa alors le coeur de Maglor pour que s'éloigne l'ombre du massacre. Mais ce sentiment triste et parjure -n'avait-il pas détruit leur avenir, leur maison?-sauva la vie des deux frères. Comme un père, Maglor les accueilli dans sa sombre affection, et le lien qui se tissa alors possédait la pureté désespérée que trop peu de gens arrivent à comprendre. Comme un père il les aima, les éleva, laissant s'épanouir en eux une noblesse que lui-même avait perdu depuis trop longtemps. Verte était l'herbe sous leurs pieds, et bleu le ciel malgré guerre et désespoir. Pourtant, toujours gris restaient les yeux du jeune Elrond, maître d'une pauvre sagesse que le côté humain de sa nature ne pouvait cependant aider à croître. La profonde fraternité l'unissant à Elros était, elle, une joie constante en son coeur et nulle haine ne vint jamais déchirer les deux frères. Ils brillaient d'une même lumière éclatante, pareille à la bénédiction de leur père, leur vrai père, au delà de toute noirceur, mais quel destin peuvent avoir deux étoiles ainsi glorieuses, non pas nées pour se détruire, mais pour briller la gloire d'une vie? Pour que la lumière de l'un n'ai jamais à éteindre l'autre, les destinées se doivent d'être différentes et des choix solitaires se prennent.
Pour l'un, la route la plus longue, pour l'autre la voie obscure.
Lorsque s'éteignit le Premier Âge, les Valar leur offrit le choix de toute une vie. Ainsi, Elrond décida de celle des elfes, lorsque Elros embrassa la destinée des hommes, devenant le premier roi de Numenor. Grande fut sa lumière, grande fut sa sagesse, lui roi parmi les rois.
Elrond attacha ses pas à l'ombre de Gil Galad, il traversa ainsi le Second Âge, sa désolation et ses batailles car si Morgoth n'était plus, à présent l'ombre de Sauron étendait une emprise par trop maléfique.
En Eregion l'attendit une sombre défaite et Elrond ne put arrêter la destruction de ces terres. Il mena les quelques survivants avec l'aide du seigneur Celeborn sur la roue du Nord où fut fondé Imladris, bastion d'espoir en des temps trop sombres. Imladris où toujours brillent les étoiles...
Ainsi, lui qui fut arraché de son pays avant même d'être assez âgé pour apprendre à l'aimer, fonda sa propre cité. Pour un instant alors, les tempêtes dans ses yeux s'apaisèrent...
Gil Galad savait la valeur d'Elrond et toute la noblesse de son âme. Il le nomma vice-régent en Eriador et lui remit Vilya, le plus puissant des anneaux de pouvoir elfiques. Ainsi brillèrent plus fort les étoiles au dessus d'Imladris...
La loyauté d'Elrond envers Gil Galad et la Terre du Milieu, jamais ne faiblit. Il combattit, lui qui était Seigneur désormais, lors de la Guerre de la Dernière Alliance et de ses propres yeux, fut témoin de la mort d'un être aimé. Ainsi périt Gil Galad et tant d'autres braves avec lui.... Et lorsque Isildur, Prince parmi les hommes et roi à venir car mort gisait son père, leva son épée, se fut pour la briser, et briser avec elle la sombre force de Sauron. Hélas, aucune voix sage parmi les survivants de ce jour ne purent le résoudre à détruire l'anneau de pouvoir du Seigneur des Ténèbres...
Elrond retourna à Fondcombe, sa chère Imladris, apportant avec lui les reliques de la bataille, trésor des rois humains. Il les garda et les protégea, le sceptre, l'épée brisée, amer cependant quant au destin des hommes. Ce qui si bas est tombé, peut-il seulement un jour s'élever à nouveau? Et le souvenir de son frère, de nombreuses nuit vint le hanter comme une blessure amère.
Le Troisième Âge lui apporta beaucoup mais lui reprit trop. Elrond épousa Celebrian, fille de Galadriel et Celeborn de Lorien. Profondément épris, il savait la magie de ses mains capable d'enlever toute fièvre de son front tourmenté. Plus que tout il l'aima, plus que le soleil, la lune, et bien plus encore que les étoiles au dessus d'Imladris. Deux fils vinrent à naître, et Elrond retrouva en eux la jeunesse qu'un jour il partagea avec Elros. Alors l'ombre de son frère le quitta pour lui offrir une paix qu'enfin il méritait. Père aimant, Seigneur respecté, il regarda ses fils grandir et prendre des chemins différents du sien. Cela fut douloureux parfois, mais l'amour de Celebrian lui apportait toute la lumière dont il avait jamais eut besoin.
Et cette lumière disparut un jour dans le sang d'un combat. Le peu de double-vue qu'il possédait jamais ne vint l'avertir de la tragédie à venir. Ce ne fut que lorsque ses fils revinrent à Imladris, les yeux hagards - n'avait-il pas lui-même eut ces yeux là un jour, au côté de son frère alors que coulait le sang de tout un peuple?- et les habits déchirés, qu'Elrond comprit que la ueur des étoiles s'éloignait de lui.
Gravement blessée par une embuscade orque alors qu'elle se rendait en Lothlorien et mlgré le secours de ses fils et les soins de son mari, Celebrian ne su jamais comment se guérir de l'attaque. Ses mains fraîches se firent froide comme une triste statue de pierre, et son coeur sembla comme oublier jusqu'au nom d'Elrond. La Terre du Milieu lui semblait désormais hostile, étrangère... alors il la laissa partir, maudissant cette énième séparation dans sa vie.
Celebrian quitta la Terre du Milieu avec sa douleur pour bagage et la promesse de son Seigneur: "Nous nous retrouverons sous d'autres étoiles que celles d'Imladris, mais ensemble nous le serons à nouveau".
L'amour était venu, l'amour s'en était reparti et si la sagesse du Maître de Fondcombe est grande, grandes aussi sont les ombres dans ses yeux et ses gestes. Impliqué dans les affaires des Elfes comme des hommes, prend souvent conseil auprès des autres Seigneurs Elfes et Magiciens, conscient que quelque chose de fort sombre se trame.
Les rumeurs concernant la Compagnie, oh il les a entendu, et Elrond ne doute pas que Gandalf viendra lui demander une faveur ou deux à ce sujet.
En attendant Elrond attend et écoute. Il reste présent pour ses gens, pour ses fils, jusqu'à la douleur de la prochaine séparation car tel est le mot lié à sa vie.