« Et toi, quel est ton dieu ? » « …La mort »
Danse danse petit serpent, ondule à travers les lames acérées, esquive les haleines putrides, danse au rythme infernal des joutes d’aciers et survis !
Danse danse petit serpent, ondule à travers les lames acérées, esquive les haleines putrides, danse au rythme infernal des joutes d’aciers et survis !
Gondor, il y a de cela trente cinq ans. Un enfant naît, fort et bien portant, prédestiné à un brillant avenir. Ses premiers cris inondèrent chaque recoin de la chambre en ce jour qui aurait pu être béni si l’enfant n’avait point emporté la vie de sa mère pour sauvegarder la sienne. Macabre spectacle que le cadavre de Dame Arryn gisant à même les draps gorgés d’un liquide pourpre, l’entrejambe ruisselant abondamment d’un flot sanguin inépuisable. Une hémorragie incontrôlable conduisant à la mort rapide de l’épouse du lieutenant Arryn. Jour de naissance, jour de deuil, c’est déchiqueté entre joie et douleur que le chevalier traversa ces premiers jours ni blancs ni noirs, mais gris. Pouvait-il en vouloir à l’enfant de lui avoir arraché sa bien-aimée ? En vouloir à son enfant !? Il ne pouvait se le permettre. Que d’égoïsme de sa part que cela serait.
Lanfried, ainsi fut nommé l’héritier de la lignée Arryn, ainsi fut-il élevé dans les joutes de fer, ainsi grandit-il dans cet univers masculin. Garçon curieux et volontaire, c’est au croisement d’un entraînement au duel où au détour d’une écurie, éperonnant une vieille monture, qu’on pouvait le trouver. Si ce n’est son admiration pour son père et tout ce qui découle de la chevalerie, Lanfried se découvrit très jeune une étrange passion pour les effets médicinaux des plantes. Etrange pour un futur soldat, mais l’enfant ne pouvait cacher son appétit de la science. Une passion bien ennuyeuse aux yeux de Sire Arryn qui devait se mordre la langue devant les fréquentes errances de Lanfried dans les lointaines plaines du Gondor si pas dans la maison de l’ermite guérisseur. Mais qu’aurait-il put lui rétorquer ? Lanfried était un enfant prometteur qui faisait la fierté des précepteurs et qui préférait tout simplement combler ses heures de loisirs à s’enrichir auprès des savants du Gondor plutôt qu’à occuper son temps avec les autres garçons de son âge.
Les années s’écoulèrent inexorablement, d’écuyer, Lanfried devient soldat. Jeune homme ambitieux mais désobéissant, il en fit voir des vertes et des pas mûres à ses supérieurs. Laver les écuries, éplucher les patates, goûter aux cachots l’histoire de quelques froides nuits d’hiver, nettoyer le sol avec une brosse ridiculement petite, servir de bouclier vivant aux entraînements, le fougueux soldat était passé par tous les cas de figure à cause de son impudence et de sa grande ferveur à vouloir jouer avec le feu. Pourtant, si Arryn junior demeurait dans l’armée, ce n’est pas tant à cause de son lien de parenté avec le général Arryn mais bien parce qu’au cours d’un réel combat, l’impétueux lion devenait un atout de taille pour faire pencher la balance vers la victoire. C’est d’ailleurs pourquoi il reçut le titre de chevalier à l’approche de la vingtaine. Déjà jeune, Lanfried acquérait son propre style de combat, audacieux et novateur mais surtout, mortel pour l’adversaire. Si pas le serpent danseur, le soldat s’attira finalement le surnom de ‘maître à danser’. C’est grâce à ses efforts déployés au grès de quelques batailles qu’il monta en grade. Les Sires Arryn sont dans la place! Un général et un capitaine, tel père tel fils pouvait-on dire. Lanfried faisait la fierté de son père, de qui il tenait beaucoup. Des « on croirait voir votre père du temps de sa jeunesse », on lui en avait servit à toutes les sauces !
Des combats, il en connut mais s’il y a bien une chose qui demeurait inconnue pour le chevalier à cette époque, c’était l’amour. Cela, il en fut le joyeux Roméo alors qu’il préservait un village à l’abri d’une troupe d’orques enragés et ce, avec sa troupe de soldats. Elle était diablement belle, son visage d’un lait crémeux délicieux, tacheté ci et là d’une myriade de points bruns, ses prunelles d’un vert saisissant et le toisant d’un regard curieux et têtu. Il était au sol et elle debout à ses pieds, armée d’une fourche redoutable. Béni soit cet orque pourrissant qui avait attiré la belle jusqu’à lui. Ironie du sort lorsqu’une dame sauve la vie d’un chevalier, Lanfried ne pouvait rêver meilleure rencontre avec sa muse. Lui qui avait fait arracher bien des cheveux du crâne de son père à force de de repousser les demandes maintes nobles dames. Aucunes à son goût, aucunes pour arracher violemment son cœur. Aucunes ne fut audacieuses comme celle qui se présenta à lui ce jour-là, trempée de sueur et toute encrottée de sang d’orque. Belle mais têtue, elle ne fut point facile à conquérir mais Lanfried sut se frayer un chemin jusqu’au cœur de la belle. Shae, tel était son nom et elle avait beau être de basse extraction, elle avait su conquérir le cœur du chevalier. Deux mois s’étaient écoulés entre l’instant de leur première rencontre et leur union. Six avant un heureux évènement. Une petite fille venait d’élargir les rangs de la famille Lanfried, au bonheur du père et du grand père. Cersei, tel fut le nom que l’enfant reçut, celui de sa défunte grand-mère. Souvenir indicible et oh combien serein sur le bord des lèvres d’Umbre Arryn. La même année, le jeune Arryn montait en grade pour endosser la lourde charge de général, mais pas autant que son lieutenant de père.
Mais le bonheur n’était point éternel et le jeune lion l’apprit à ses dépends deux années après la naissance de Cersei. L’élément déclencheur fut semble t’il la mort violente mais honorifique de son père qui perdit la vie au cours d’une bataille qu’ils remportèrent de justesse. Une bataille mémorable aux yeux de Lanfried qui combattait aux côtés de son père ce jour là. Deux lions enragés perdus au cœur d’une bataille ensanglantée. Son seul regret est de n’avoir pu empêcher l’inévitable.
Oh oui, les soldats du Gondor se souviendront des Arryn, famille de loyaux et fidèles chevaliers du Gondor. Certains n’oublieront pas aussi la chute du dernier des Arryn. La chute de Lanfried dans les abysses après la macabre découverte des corps et de sa femme et de sa fille , gisant à même le sol du petit salon, inertes, dépourvues de vie . Une attaque surprise, une obligation au château entretemps, cette tragédie eut sitôt fait d’anéantir le chevalier qui noya son chagrin dans l’alcool. Des violentes bagarres qu’il provoqua et des innocents blessés qu’il laissa derrière lui, Lanfried fut démuni de son rang de général tout autant que de chevalier. Devenu plus errant que soldat, le dernier des Arryn ne pouvait cependant oublier son allégeance à son royaume, ce pour quoi il s’était battu des années durant. Ce qu’il avait juré de protéger au péril de sa vie, mais l’ambition semblait avoir disparue. La motivation aussi. Un précieux atout enlevé à l’armée. D’un chevalier admiré et respecté, Lanfried était devenu l’ombre de lui-même. Il souhaitait partir, s’éloigner de ces lieux qui renfermaient des souvenirs devenus bien trop douloureux pour l’ancien général. Un choix auquel le roi accéda en partie. En partie…
Messager, tel fut le devenir du veuf éploré. Un moyen indirect d’accéder à ses désirs en parcourant les diverses contrées de la terre du milieu. Messager, oui, c’est du moins le manteau que revête cet homme de l’ombre afin d’exécuter les ordres de son roi. S’il ne peut plus endosser l’armure clinquante de chevalier, au moins pourra t’il continuer à se rendre utile envers son royaume même si l’ambition a définitivement quitté son âme. Ses obligations l’enchaînent au Gondor et à son roi. Pour l’honneur ? Par principe ? Par intérêt ? Un peu de tout.
Trois hivers se sont écoulés depuis le drame, trois années à galoper au grès des contrées pour porter des messages si pas exécuter des ordres sanguinolents lorsque le roi le lui ordonne. Lanfried pourrait presque s’apparenter à un rôdeur à force d’errer au grès de la Terre du milieu, telle une ombre fugace. Il n’oublie pas, il n’oubliera jamais quand bien même il aurait fait le deuil. Du moins essaye t’il de s’en persuader. C'est ainsi qu'il arpente les terres vallonnées en cavalier solitaire, en tant que messager du Gondor.