Le Gondor sera à nous [Quête PNJ] [Ilmarë]

Se préparer pour une entrevue c’est toujours quelque chose de long et de fastidieux. J’observe mon visage dans le miroir et je hausse un sourcil avant de tourner sur moi-même, vérifiant par la même occasion le moindre plis de ma robe. Je passe ensuite dans la chambre de ma fille, qui termine elle aussi de se préparer pour cette entrevue. A Minas Thirit, tout le monde sait que je ne sors que rarement sans elle, pour ne pas dire jamais. Un soupir monte à ma poitrine.

- Tu es magnifique ma chérie.

Je pose la main sur son épaule et rajuste le ruban de ses cheveux, et je me tourne vers la porte, suivie par mon enfant. Nous nous dirigeons vers les appartements de l’intendant et nous frappons à sa porte où on nous introduit auprès de lui dans un petit salon. Ma main se pose sur ma besace où se trouve une fiole bien étrange, qui doit finir dans la boisson de l’homme. Un sourire monte à mes lèvres à l’idée que mon maitre puisse avoir un nouveau membre dans son clan. L’homme me révulse, cependant, je m’incline devant lui avec un sourire aussi faux que possible.

- Intendant. Je désespérais de vous rencontrer un jour.

Cet homme semble prendre son métier au sérieux, comme il ne quitte presque jamais ses gardes du corps. Je m’incline devant lui, imitée par ma fille, et nous finissons par nous relever. Mon regard se pose sur les gardes et je tente de réfléchir à la façon dont je vais faire pour qu’il s’en débarasse. Je ne sais pas par où commencer, ni même comment faire. Voilà maintenant trois ans que je suis ici, et je n’ai pas l’impression qu’il me fasse confiance. Cependant, je n’ai pas le choix : mon maitre ne souffre d’aucun retard dans les missions qu’il me donne.

- Monseigneur, pourrions-nous nous entretenir en privé ? Je souhaiterai vous parler d’un sujet délicat.

Voyant qu’il me fait signe de parler, je tourne la tête vers Lyria qui relève sa manche. Dessus, j’ai imprégné une marque de main bien violacée et visible, avec son consentement. Ma fille sait ce qu’elle a a faire pour que nous arrivions à nos fins.

- C’est un sujet délicat qui concerne l’un de vos gardes, monseigneur. Il a violenté ma fille, et sans l’intervention de mon propre garde, je n’ose imaginer ce qui aurait pu se passer. Je préfèrerai vous en donner tous les détails sans que l’affaire ne s’ébruite.

Mon regard peiné se tourne vers les deux hommes qui n’ont pas bougé, mais dont le visage montre un signe de nervosité. Parce que, nombreux sont ceux qui savent, dans la cité, que certains gardes aiment les filles jeunes. Très jeunes. Et, pour nombre d’entre nous, c’est une aberration. J’espère que l’intendant comprendra, et fera partir les gardes. Car, s’ils touchent aux filles de cuisine sans que personne n’ose se lever face à eux, c’est une chose. Mais, la fille d’une femme de la haute noblesse, encore en deuil de son père… Non, là c’est autre chose.

D’un geste de l’intendant, les gardes sortent, et je pose ma main sur l’épaule de ma fille. Je l’ai bien éduquée, dans le secret de nos appartements. Elle sait ce qu’elle a à faire. Pendant que l’intendant a le dos tourné et referme la porte dans le dos de ses garde, ses mains fines se portent à son visage, et elle se pince violemment les joues. Des larmes perlent à ses yeux, et elle baisse la tête. L’homme revient s’installer en face de nous, et son regard se porte sur ma fille. Quinze ans à peine, et elle doit déjà subir ce genre d’outrages… Du moins c’est ce que nous devons faire croire. Car, si je n’ai aucuns scrupules à condamner un homme à la mort, je n’en ai pas plus à utiliser ma fille pour y arriver. Car, les missions que nous donnent notre maitre ne prennent pas en compte son âge.

- Raconte à l’Intendant, ma chérie.

Lyria relève la tête et tourne son visage inquiet vers moi, avant de hocher lentement la tête et de se lancer dans un monologue qui raconte chaque détails de l’histoire que nous avons mise au point, reniflant de temps à autre, essuyant une fausse larme sur le côté de son visage. Le talent d’actrice de ma fille me rend fière, et pour expliquer l’expression que je ne peux retenir sur mon visage, je reprends la parole.

- Merci, Lyria. Je sais combien c’est difficile pour toi de te confier ainsi.

Je me tourne vers l’intendant, avant de la jauger de haut en bas, un air sévère sur le visage. Lyria a bien donné le nom de son agresseur, et l’histoire est crédible. Ce n’est pas la première fois que cet homme là reçoit des plaintes, je le sais. J’ai mené une enquête minutieuse.

- Qu’allez vous faire, messire ?

Comme pour répondre à mes suppliques, et à l’air à la fois épuisé et triste de Lyria, l’homme finit par se lever pour faire les cent pas. Immédiatement, ma main se glisse dans la sacoche que je porte encore et toujours à ma taille, car je sais que je n’aurais qu’une seule occasion de l’ensorceler. Il finit par sortir de la pièce, un sourire victorieux nait sur mes lèvres. Ma main se dresse à l’assaut de la tasse de thé de l’homme et je verse dedans le contenu de la potion, avant de remettre la fiole dans ma sacoche. Et puis, j’attends son retour, tentant de conserver sur mon visage un air préoccupé. Car, si ma mission est réussie, je souhaite cependant châtier le garde qui s’occupe des filles de cuisine comme si elles étaient des filles de joie. C’est quelque chose que je ne tolère pas, et que je n’ai pas l’intention de laisser en place. Si cette machination et ces mensonges m’ont servit avant tout à arriver à mes fins, la part de vérité qui se trouve dans cette histoire me révulse. Mais, voilà l'intendant qui revient, avec le garde. Garde qui nie bien évidemment toute implication dans l'histoire, même après que Lyria ait remonté sa longue manche chauve-souris pour montrer la marque bleuté qui s'y trouve.