Pris au piège ! [Quête]

La forêt noire se dresse, sombre, sauvage, devant l'Elfe, qui immobile sur son destrier, la contemple. Son regard parcours sans relâche l'immensité. Ces lieux lui inspirent à la fois confiance et répulsion. Confiance sans soute à cause de la présence des Elfes, même lointaine, et répulsion parce que ses sens lui indiquent que quelque chose de sombre rôde dans cette forêt. Dae, son étalon, le sent aussi. Il piaffe légèrement, tire sur les rênes qu'elle tient à peine. Lûthiel jette un rapide coup d'oeil vers le soleil, qui est masqué par d'épais nuages. C'est un jour obscur. Elle fronce les sourcils et d'une légère pression sur les flans de sa monture, le fait avancer. Elle murmure des mots dans sa langue, destinés à le calmer. Les animaux ont un instinct encore plus développés, plus aigue que ceux des Elfes et des Hommes. Ils sentent des choses. Et en ce moment, Lûthiel n'arrive pas à les sentir.
Son coeur bat légèrement plus vite, des frissons d'excitation parcourent son corps. Elle aussi elle commence à percevoir quelque chose, mais d'une nature inconnue.
Cachée par des arbres, elle continue de s'avancer, avec prudence tout de même, veillant à rester à l'abris, qui sait ce qu'elle découvrira? Des araignées? A cette pensée, Lûthiel retint avec peine un haut le coeur, elle avait une aversion peu commune pour ces bestioles, comme toutes celles qui avaient plusieurs pattes d'ailleurs. Mais au moins, c'était aisé à tuer. Une flèche et on en parlait plus. Et des flèches, son carquois, accroché à sa hanche, en était bien rempli. Rassurée par la présence de ses armes, Lûthiel sait très bien que de toute façon, qui se frotte à un Elfe, s'y pique, profondément.
Ses sens se concentrent sur la terre, quand soudain, elle perçoit des bruits de pas appartenant à une dizaine d'individus. Des pas lourds et bruyants. Les oreiles de Dae frémissent et il se raidit sous elle. Prudemment, Lûthiel descendit d'un bond de l'étalon et le prenant par la bride, le conduisit derrière des brouissailles suffisament grande pour les cacher tous les deux, mais ne tenant pas longtemps, Lûthiel s'éloigne de quelques pas et se cache derrière le tronc noueux d'un arbre solitaire qui se dresse à une cinquantaine de mètres des autres.
De la lisière de la forêt jaillissent soudain des Orques. Leur odeur est putride et Lûthiel grimace. Son regard ne les quitte pourtant pas, et elle en compte une dizaine. Une dizaine d'Orc qui se dirige vers le Sud, qui s'appretent à traverser les Terres Sauvages. Il n'y a qu'un seul endroit où ils peuvent se rendre. Dans le Mordor.
L'Elfe attend qu'ils soient passés devant elle. Heureusement, le vent est dans son sens, ainsi, les Orques ne sentiront pas sa présence, enfin, pas celle de son cheval surtout. Les suivre serait périlleux, car seules les collines et quelques buissons lui offriront un abri pour ne se faire repérer. Mais en même temps, elle a plus d'une dizaine de flèches dans son carquois, si le besoin s'en fait sentir. Et puis, ne vaut-il pas mieux mettre fin à la vie des Orques plutôt que de les laisser partir? Si.
Depuis son plus jeune âge, Lûthiel a appris à reconnaître le mal, et les Orques, même s'ils furent des Elfes, n'en sont plus. Ce sont des serviteurs du Mal, et leur présence prouve que celui-ci commence à rennaître.
Avec un soupir, Lûthiel revient sur ses pas et se saisit une nouvelle fois de la bride de Dae. Elle a pris sa décision. Elle les suivra. Les Orques ne sont plus dans son champs de vision, mais elle sent toujours leurs présences, et la vibration de leurs pas sur le sol. Elle prend le temps de maudire les nuages épais qui masque la lumière du soleil et permet aux Orques de se déplacer sans trop subir la lumière qui leur est désagréable. En regardant l'horizion, Lûthiel ne peut s'empêcher de se sentir dépitée, des nuages encore plus noirs semblent les attendre.
Elle avance silencieusement, rapidement. Les Orques sont toujours devant elle. Elle sait également que si elle veut les suivre, elle ne dormira pas cette nuit, car ils profiteront de la nuit pour avancer encore plus loin. Mais tant pis. Elle suivra, et Dae aussi même s'il faudrait lui promettre milles choses, et l'encourager. Parfois les animaux sont plus butés encore que les hommes, et à vrai dire, son Dae était parfois plus têtu qu'un nain. En Lorien, les rumeurs qui circulaient sur les nains n'étaient pas bonnes, et en grandissant Lûthiel avait toujours prié pour les éviter.
L'Elfe repporte son attention sur les terres qui s'étendent devant elle. Plus elle s'éloige de la Forêt Noire -qui n'est plus qu'une forme sombre à l'horizon-, plus elle se sent en danger, exposée. Mais elle n'en a cure, si ça peut lui permettre de supprimer quelques orques, elle est prête. Du moins, veut-elle s'en convaincre, car jusqu'à présent, elle a toujours soigneusement éviter toutes sortes d'ennuis.
Plongée dans ses pensées pendant quelques minutes, Lûthiel s'arrête brusquement lorsqu'elle ne remarque plus rien. Le sol ne vibre plus. Pourtant, elle sent leur présence. Se sont-ils arrêtés? Improbable. Quoi que. A vrai dire elle n'en sait rien, et commence à regretter de les avoir suivi.
Instinctivement elle détâche l'arc de son dos, et effleure d'une main ses flèches tout en lâchant Dae, il la suivra de toute façon. Les Orques sont stupides, mais de bons chasseurs. Hors, ils n'ont pas pu sentir son odeur, impossible, et généralement, des Orques ne se retournent pas pour voir ce qu'il y a derrière eux. Alors, que se passe t-il? Elle ferme les yeux quelques secondes et adresse une prière au Créateur, se jurant que la prochaine fois, elle restera sage et ne se lancera plus seule à la poursuite de ces créatures. Mais en ce moment, n'est-il pas trop tard? S'ils l'ont sentis, ne vont-ils pas l'attaquer? Non. Lûthiel sait parfaitement que les Orques sont des créatures qui ne réfléchissent pas, s'ils l'avaient senti, ils l'auraient attaqués directement, en masse. Mais là, elle ne les sent plus.
C'est mauvais signe. Très mauvais. Et Lûthiel a horreur de ces situations dans lesquels elle ne sait plus quoi faire. Rebrousser chemin? Cela lui semble être une excellente idée mais son orgueil l'en empêche car jamais il ne sera dit que Lûthiel de la Lorien a fui simplement parce qu'elle a eu peur d'une attaque d'Orque. Alors qu'elle peut très bien les tuer. En une minute, elle est capable de décocher plusieurs flèches.
Peu à peu, elle reprend un peu confiance en elle, mais la nuit ne va pas tarder à tomber, déjà, elle sent que le crépuscule débute, et il dure peu. Hors la nuit est le moment des Orques, ils s'y fondent.
Le silence est total, Lûthiel a l'impression que les battements de son coeur sont assourdissants, tout comme la respiration de Dae. Elle s'immobilise totalement, vérifie rapidement que ses poignards, si elle en a besoin, sortent parfaitement de l'étui dans lesquels ils sont, glissés dans ses bottes. Tout est en place, tout est prêt. Lûthiel n'a plus qu'à attendre... hors, elle ignore totalement ce qu'elle doit attendre, et c'est cela qui lui fait peur.