Etain Steelheart ✗ She Wolf

❝ Contrairement à ce que tout le monde peut penser, les tresses d’un nain ne sont pas là juste pour décorer une chevelure ou une barbe, chacune à leur manière raconte une histoire, un événement capital qui s’est produit dans la vie de celui qui les arbore et seuls ses congénères peuvent comprendre leur réelle signification. Combien de fois t’ai-je observé tresser tes cheveux d’entrelacs compliqués ? Tu étais tellement douée que tu n’avais même plus besoin de te regarder dans un miroir, tes doigts s’exécutaient dans un balais mouvementé, mais organisé, et le résultat en était des plus distingué. Dès que tu sortais, les autres nains n’avaient d’yeux que pour toi, je suis sûr que tu as fais la fierté de nos parents lorsque tu es née avec une telle beauté. Je me souviens, dans ses rares moments de lucidité, notre père s’étonnait toujours de ta ressemblance de plus en plus flagrante avec celle qu’il avait aimée et qui nous a quittés quand je suis né. A ce propos, j’aimerais te remercier, tu ne m’as jamais tenu rigueur de t’avoir enlevé ton seul pilier, celle qui t’a enseigné tout ce que tu sais. Tu aurais pu partir sans te retourner avec l’un de ceux qui avait pour habitude de te courtiser, vivre ta vie comme tu l’entendais, nous laisser nous débrouiller, mais tu ne l’as pas fait. Tu es restée et tu m’as élevé, même si ce n’était pas à toi de le faire mais plutôt à notre père. Le pauvre, il n’a jamais plus été le même après ça, et peu à peu, il est devenu comme moi en grandissant, un véritable fardeau pour toi. Je te demande de me pardonner, c’est vrai, je n’ai pas toujours été un enfant d’une grande assiduité, j’ai toujours préféré m’amuser et me bagarrer plutôt que de t’écouter. Honnêtement, combien de fois t’es tu retenue de me mettre une bonne dérouillée ? Je le sais, je les aurais toutes bien méritées, mais il faut avouer que ça ne m’aurait certainement pas pour autant calmé. Malgré cela, nous étions très soudés, nous faisions face ensemble, et puis un jour, notre monde s’est effondré à nouveau marqué par la perte d’un être cher. Smaug le Doré, c’est ainsi qu’il était appelé. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il a tout dévasté et s’est approprié notre belle cité. Je me souviens de ces guerriers qui ont pris les armes, mes amis les plus âgés en faisaient partie. J’aurais aimé les aider, mais tu m’en as empêché, si je t’en ai voulu sur le moment, j’ai compris à la vue des corps calcinés que tu m’avais sauvé. C’est alors que nous les survivants avons été contraints à l’exil, et que nous deux sommes devenus jeunes nains orphelins, s’aventurant pour la première fois plus loin qu’ils ne l’auraient jamais imaginé. Tu n’as jamais eu à travailler, tu en avais déjà fais assez, c’était maintenant à moi de gagner en maturité. Quand le moment fut venu et sans que tu n’aies besoin de me dire quoi que ce soit, j’ai vendu mes services de jeune forgeron à qui voulait bien. Je n’étais certes pas très doué, mais avec le temps et l’expérience doucement cumulée, l’argent a fini par ne plus manquer même si nous ne roulions jamais sur l’or. Qu’importe tu disais, du moment que nous étions ensemble le reste était superflu. Une fois de plus je ne t’ai écoutée qu’à moitié et lorsqu’avec mes amis et nos autres compagnons d’infortune nous avons tenté de reprendre la Moria, j’ai compris mon erreur. La dernière bataille que nous avons menée fut la plus terrible. Blessé à la cuisse par un orc, j’espérais tout de même m’en sortir, mais ce ne fut pas le cas, comment le pouvait-on à six contre un ? Ma dernière pensée fut pour toi, à tout ce malheur que j’allais encore te causer. Partis en nombre, seule une poignée des nôtres sont revenus vivants de cet affrontement, le petit-fils de notre Roi, Thorin Oakenshield à leur tête. Beaucoup de larmes furent versées ce jour là, car peu de ceux restés en arrière retrouvèrent un membre de leur famille encore en vie. toi-même tu as scruté cette petite troupe jusqu’au dernier de ces membres avec l’espoir de m’y voir, en vain. L’espace d’une minute, vos regards se sont alors croisés. Lequel de nous deux as-tu maudit Etain ? Lui, parce que comme toujours je l’avais suivi et qu’il n’avait rien fait pour m’en empêcher malgré mon jeune âge ou moi, parce que je n’étais pas revenu ? Tu aurais voulu hurler, évacuer ton chagrin, mais ta fierté t’en empêchait, alors, d’un simple mouvement de tête tu l’as salué et tu t’en es retournée, c’est ainsi qu’est né le Cœur d’Acier. Tu ne t’es pas effondrée, tu as survécu un jour de douleur après l’autre, mais tu n’as plus jamais pris la peine de tresser ta longue chevelure brune, à quoi bon, l’histoire qu’elle racontait avait été complètement effacée. N’ayant personne pour subvenir à tes besoins, tu t’es alors mise à travailler. Tu chassais et tu vendais simplement tes prises sur les marchés et c’est là que tu as rencontré ton succès car personne n’en avait jamais vu d’aussi bonne qualité, tu es probablement la seule naine à pouvoir abattre un animal d’une flèche dans l’œil. Il faut l’avouer, la respiration a toujours été un défaut qui incombait à notre race, mais toi tu l’as surpassé au point de pouvoir approcher le gibier de très près et ainsi ne pas l’endommager plus que nécessaire. L’argent que tu as gagné, tu l’as rentabilisé, tu t’es acheté une vieille taverne abandonnée depuis des années et tu en as fait un endroit prisé. La bière que tu y sers est comme la propriétaire, elle n’a pas son pareil. Chaque jour qui passe tu t’éreintes au travail, mais tu ne te plains pas, c’est comme ça que tu as été élevée. Première arrivée, dernière partie, tu passerais ta vie dans cet endroit si tu pouvais y marcher pieds nus sans risquer de te blesser. De tout là haut, j’espère sincèrement qu’un jour, tu regagneras notre belle cité pour y couler des jours heureux, après tout tu l’as bien mérité. De tout là haut ma chère sœur, mes espoirs sont mes vœux, n'oublie pas que je vois tout, que les étoiles sont mes yeux…❞