Niriel vit le jour dans les années du premier âge, l'âge des elfes, dans des temps troublés par la discorde et par l'apparition encore toute récente des hommes sur la terre du milieu, dans le prélude de leur longue histoire à venir. Sa mère se nommait Andreth et appartenait à la première maison des Edains, la maison de Bëor l'ancien, au service du grand seigneur des elfes: Finrod Felagund, fils de Finarfin. Elle était beaucoup aimée des siens et des elfes qui la surnommèrent Saelind, "Coeur sage" car elle aimait s'instruire et faisait preuve d'une grande sagesse. Elle eut une belle vie, heureuse, parmi les siens, malgré l'ombre de Morgoth et de ses créatures qui planait au-dessus de leurs terres. Jamais il ne lui vint à l'esprit de se plaindre de cette existence. Elle vécut simplement et sans regret, pas même celui d'avoir aimé avec une grande passion le frère de Finrod, le seigneur Aegnor, un elfe, prince des Noldor et immortel. Tout les séparaient et malgré leur amour, elle se résigna bien vite à ne rien attendre de cet amour impossible, se refusant à lui offrir quelques minces années de bonheur dans sa longue vie d'elfe contre des décennies de souffrance à la pleurer. C'est alors même qu'elle s'était définitivement résignée à cesser de se languir de cet elfe qui ne pouvait être sien qu'elle réalisa qu'elle portait son enfant en son sein. Mais Andreth était forte et sage.Et cet enfant qui grandissait en elle ne changeait rien au fait qu'ils finiraient séparés tôt où tard et ne ferait que s'infliger des souffrances inutiles. Elle s'éloigna donc du peuple des elfes, se renferma et s'appliqua à tenir son état plus ou moins secret, s'obsédant à ne pas divulguer l'identité du père même à ses plus proches parents.
C'est donc là, dans le Dorthonion où résidaient alors les gens de la première maison des Edains que Niriel vit le jour. Elle la nomma ainsi, en souvenir d'un poème elfique qu'elle avait entendu et qui comptait la triste histoire de Miriel et de sa fin sur les terres par delà la mère de l'ouest. Un chant qui avait su toucher son âme par son intensité et lui avait insuffler l'envie de marquer sa précieuse fille par sa force et sa beauté. Mais peu de temps après, alors que Niriel était à peine âgée de quelques années, les forces de Morgoth envahirent leurs terres. La bataille fut rude, la maison de Beör fut en bonne partie décimée, son bien aimé ainsi que le prince Fingolfin tombèrent et elle ne dut sa survie qu'à sa chance et sa volonté sans faille de sauver la vie de son enfant. Elle fut néanmoins gravement blessée et se sachant condamnée, plaça son dernier espoir dans le grand seigneur qui avait tant fait pour sa famille et pour elle. Elle alla trouver Finrod, fière, droite et pas une once de peur, ni d'hésitation ne se trouvait dans sa voix ni dans son regard. Seulement une force de conviction élevée par un violent espoir qui aurait touché le plus dur des coeurs.
"Emmenez-la à Doriath"
"Nul humain ne peut pénétrer le royaume de Thingol"
"Elle n'est pas humaine"
Il l'observa longtemps, visiblement surpris. Mais elle savait qu'il avait compris, qu'il savait qu'elle ne céderait pas avant de savoir sa fille en sécurité et que cette enfant, était sa propre nièce. Niriel n'avait que quelques années, pourtant jamais elle n'oublierai la profondeur et la gravité du regard qu'il échangèrent, promesse solennelle et adieu muet à la fois. Le sang tâchait les vêtements de cette femme qui l'avait protégé, la seule chose qu'il lui restait. Elle cria, l'appela, la supplia de ne pas la laisser. Elle ne pouvait alors comprendre. Mais la dernière image qu'elle garda de cette mère fut un sourire sincère et heureux qui fit immédiatement taire ses protestations. Elle ne s'effondra que lorsque le cavalier et la jeune fille furent hors de vue. Sans le moindre regret. Et Niriel ferma les yeux, laissant ses larmes couler doucement et l'inconscience l'emporter alors qu'elle chevauchait dans les bras de cet homme qui répandait une force rassurante. Elle n'était pas vraiment seule.
***
Semi elfe, unique descendante d'Aegnor et étant parente par sa grand-mère des Teleri, elle fut accueillie par Thingol dans le royaume de Doriath et grandit auprès de Mélian et Galadriel sans prendre trop de place, enfant calme et silencieuse, curieuse et attentive. Son enfance fut paisible et déjà très jeune elle fit preuve d'une admiration sans borne à l'égard de Galadriel, s'émerveillant tant de sa beauté que de sa voix grave et sage, la considérant plus ou moins comme une seconde mère, ou bien un modèle. Leur relation était bien entendu plus distante et moins sentimentale, qu'une relation familiale ordinaire, mais un peu de tendresse et d'attention représentait déjà bien assez pour la jeune Niriel qui trouva aussi une autre compagne avec qui passer du temps lorsqu'elle en avait le droit, à savoir une jeune fille née à peu près à la même époque qu'elle, portant le nom charmant de Luthien. Cette dernière étant l'une des rare enfant du royaume, elles se lièrent vite d'amitié et bien que le caractère légèrement sur-protecteur de son père ne leur laisse pas vraiment de liberté, elles prirent plaisir à bavarder, jouer, chanter et danser ensemble, même si la beauté, le charme et la talent de Luthien l'éclipsait en tout point. Jamais cependant elle ne fut jalouse de cette dernière, contente de pouvoir rester dans son ombre sans qu'on fasse vraiment attention à elle.
Et puis un beau jour, le destin funeste vint frapper à la porte de son amie et leurs chemins se séparèrent. C'était un matin ordinaire et le soir même, elle retrouva l'éblouissante et ravissante elfe changée. Un peu plus radieuse, un peu plus joyeuse. Différente. Un mauvais pressentiment l'empêcha longtemps de trouver le sommeil et lorsque celui-ci vint à elle, elle rêva pour la première fois. D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, ses rêves avaient toujours été très flous, mais cette nuit-là, il semblait étrangement réel. Elle vit la mort de l'oiseau chantant de Doriath. Elle s'en releva troublée et pleine de questions sans réponses. Lorsque celle-ci lui parla de Beren quelque temps plus tard, Niriel ne put s'empêcher de se mettre en colère et de lui expliquer à quel point son attitude était stupide et irresponsable. Mais Luthien, de sa voix claire et pure comme le cristal, balaya sa colère d'un simple sourire. Un sourire semblable à celui qui avait étiré les lèvres de sa mère avant sa mort. Alors, elle comprit, que rien ni personne ne pourrait la faire changer d'avis, ni même changer le cours des choses qui allaient se produire. Elle sut également que sa vision se réaliserai et cela la plongea dans un profond chagrin donc nul ne put l'extirper.
***
Le départ de Luthien fut rude et ce fût Dame Galadriel, par ses mots et ses conseils aussi juste que les notes de l'harmonie d'Eru qui résonnèrent dans son coeur, qui parvint à la faire sortir de son désespoir. Car elle se retrouvait dans cette femme, grande, fière et forte dont le regard recelait un passé lourd et plus douloureux que ne pouvait le deviner. Sa grande sagesse fut son guide et sa lumière dans les ténèbres. Elle comprit alors que, malgré le destin cruel qui lui imposait de devoir percevoir les choses à venir sans rien pouvoir y changer, elle aussi avait sa part à jouer dans le grand destin de ce monde. Elle décida alors de mettre ses visions au service de cette Elfe digne, qu'elle admirait et respectait plus que tout au monde. Cette décision et le dénouement plus heureux qu'elle ne l'avait escompté de l'épopée de son amie Luthien lui permirent de porter sur les terres d'Arda et les enfants d'Illuvatar un regard moins sombre et chargé de davantage d'espoir, car elle était certaine d'y avoir finalement trouvé sa place. Ainsi, lorsque la Dame décida de quitter le royaume de Thingol avec son bien-aimé Celeborn dans les royaumes d'Egerion, puis de Lórinand elle les suivit sans hésiter une seule seconde.
En plus d'assister sa Dame et son seigneur par ses visions et ses jugements très juste des choses, elle apprit également l'art du combat auprès des autres Noldor, tant afin de ne pas être démunie face aux temps troubles qui s'annonçaient sur Arda que dans le but de servir et de protéger ses maîtres. Elle ne se présenta cependant jamais autrement que comme conseillère et ne parla pas plus de ses origines que de ses visions aux autres membres de leur clan. Car si c'est à cette période qu'elle devint une combattante aguerrie et redoutable, ce fut aussi le temps ou le doute s'installa dans ses veines. Car, jusqu'à présent, elle s'était toujours considérée comme une elfe à part entière, sans vraiment songer à la part humaine de sa personne. Elle avait toujours trouvé ces derniers trop hâtifs, trop précipités et leur vie trop courte. Néanmoins, l'essor de Numénor la poussa à revoir sa vision de l'humanité. Elle admirait profondément cette force et cette volonté qu'ils avaient d'aller de l'avant, poussée par la course précipitée qu'ils menaient contre le temps, ainsi que leur capacité à voir la véritable beauté de chaque chose. Elle se rappela de leur courage de leur force et de la sagesse simple et juste qu'ils portaient en leur coeur et qui restait étrangement inaccessible à sa part elfique. La prospérité du royaume d'Egerion la fit cependant douter. Car ces années furent belles et virent, grâce à l'alliance de l'art des nains et des elfes, naître des trésors dont jamais la furtive existence humaine n'aurait pu saisir la beauté et la complexité. Elle ne pouvait pas non plus se résoudre à renoncer à s'abreuver à la sagesse des anciens elfes qui portaient encore les restes de la lumière d'Aman. Malheureusement, les choses s'agitèrent en Egerion et la discorde revint frapper à leur porte sous le nom d'Annatar. Ses maîtres se méfièrent de lui, car elle pouvait sentir le mal émaner de sa personne, tel un funeste présage, mais ils sentirent trop tard la ruse qu'il avait préparée et Galadriel et son mari furent alors chassés par la rébellion des leurs du royaume d'Egerion. Cette histoire d'anneaux la troubla longtemps, lui laissant dans la bouche le goût amère d'une sombre tragédie à venir.
Ils se réfugièrent un temps à Imladris où ils purent apprécier la beauté de la citée en plus de trouver un refuge au combat contre Sauron qui éclatait et elle y découvrit encore d'autres aspects de l'histoire de son peuple. Puis, après le réveil du terrible Balrog et la mort d'Amroth de Lórinand, ils décidèrent de s'établir dans ce royaume qui plus tard devait devenir leur dernier royaume sur les terres du milieu, La Lothlorién. Elle vit et aida avec joie et émerveillement à la construction de Caras Galadhon sur les branches du grand arbre Mellyrn. Et une fois encore, elle fut partagée entre son admiration pour la sagesse, la force et l'art des elfes et celle qu'elle portait aux hommes qui vivaient leur apogée sous la protection et la bénédiction des valars, parvenant même à faire trembler l'ombre du mal qui s'intensifiait depuis la destruction de l'Egerion et le réveil des forces obscures troublant ses visions. Elle s'intéressa de près à l'histoire de Numénor, songea même un moment à s'y rendre et qui sait, peut-être à faire le choix de renoncer à la part immortel de son être. Mais elle rêva de la faiblesse des hommes, de l'eau et du feu, submergeant et détruisant toute chose. Sa vision se réalisa quelques années plus tard et Sauron le vil corrompu les hommes et les mena à leur perte. Cela réveilla une flamme cruelle dans le coeur de la jeune Niriel, ainsi qu'une volonté nouvelle de faire tomber ce terrible adversaire. Elle savait cependant que le temps n'était pas encore venu et attendit son heure, perfectionnant son art du combat, voyant avec joie la forêt de ses maîtres devenir plus puissante que jamais sous la protection de Nenya. Assez pour tenir à distances les forces du mal. Et lorsque le temps vint pour les peuples libres de la terre du milieu de se lever pour protéger Arda, elle partit au combat, malgré les conseils de Galadriel, sans rien d'autre au ventre qu'une volonté de vaincre implacable. Elle savait pourtant que leurs forces seraient mal préparées, mais aucune peur ne l'habitait. Et rien ne fut jamais plus fort à ses yeux que la fierté qu'elle éprouva de pouvoir se battre enfin aux côtés des deux peuples dont elle était née, pour repousser le mal. La bataille fut rude et beaucoup des siens furent décimés. Mais elle changea Niriel à tout jamais, lui apportant enfin la paix intérieure qu'elle avait tant recherché.
***
Vivante mais éprouvée par la guerre, elle rentra en Lothlorién épuisée mais en paix et fut promue capitaine de la garde personnelle de ses seigneurs, fière de ne devoir ce grade qu'à ses talents d'arme et non à des dons ou des origines. Elle resta donc loin des batailles et eut la grande joie de voir naître sa cousine. Une enfant belle, douce et magnifique portant le nom de Celebrian. Elle eut beaucoup de joie à la voir grandit et s'assagir, à répondre à ses questions ou à lui apprendre la musique lorsqu'elle en avait l'occasion. Elle était un rayon de joie qui illuminait le royaume et son départ pour Imladris la peina. Elle fut néanmoins très heureuse de la voir à son tour donner naissance à trois magnifiques enfants. Cela, ainsi que son départ par la mer de l'ouest la plongea cependant dans une grande solitude et elle resta longtemps seule à méditer et écouter le bruit des feuilles, le calme après la bataille la laissant étrangement vide et désintéressée du monde. Sa mélancolie en inquiéta beaucoup et un temps, elle songea à partir elle aussi pour les terres immortelles. Mais un quelque chose de plus que sa dévotion et son refus de quitter sa maîtresse, un pressentiment, la retint. Ses rêves s'assombrirent. Aujourd'hui elle a retrouvé sa méfiance et sa volonté de protéger la Lothlorién. Et si la solitude et la lassitude en son coeur restent toujours vivaces, elle comble ce vide par la volonté d'empêcher un retour des forces du mal qui s'annonce et que Galadriel à elle aussi perçut. Elle est au courant d'une partie des décisions prises au conseil blanc et se tient prête à agir aux ordres de sa Dame à tout instant et à s'attaquer aux forces sombres de Dol Guldur, convaincue elle aussi que Saroumane est aveuglé par son orgueil..