Le couloir sombre s’étend devant moi et j’avance d’un pas léger, enroulée dans une serviette. A l’intérieur des murs de cette cité, je sais que je ne risque rien du tout. Tous me sont acquis, tous savent qui est la fille d’Edwart, roi des Alfes, et les seuls qui osent se mettre encore sur mon chemin sans m’accorder le respect auquel ma naissance me donne le droit finissent par se retrouver à leur place. Ce n’est pas que j’y tienne, pas réellement, mais les deux gardes qui m’entourent en quasi permanence sont là pour y veiller. Une demande de Père, pour qui je suis la prochaine reine, et une disciple trop talentueuse de la noire magie pour être remplacée. Et puis, par qui. Je n’ai pas de frère ou de sœur, et pas encore d’enfants… Du haut de mes trois mille ans, je ne suis pas tout à fait certaine d’être réellement flattée de l’attention… Je me sens comme dans une prison ici, et ma seule liberté est de voir ce regard limite choqué alors que je me rends dans les sources, tout au pied de la forteresse, pour profiter de la chaleur naturelle de l’eau venue du centre de la terre aussi peu vêtue, avec cette serviette qui couvre à peine mon corps.
Je me rends donc sur place, et là je laisse mes gardes à l’entrée de la pièce, pour me rendre dans le bassin le plus éloigné de la porte, celui à côté d’une seconde entrée, plus discrète, que j’empruntais étant enfant pour m’éloigner de toute cette surveillance permanente et rejoindre d’autres enfants, pour jouer et rire… Mais, cela est désormais bien loin derrière moi, et aucun des habitants permanents de la cité n’ignore désormais mon visage. Je ferme les yeux alors que je me laisse aller dans l’eau et que je mets la tête sous l’eau pour humidifier mes cheveux. Lorsque je ressors la tête de l’eau, mon regard se pose sur un homme qui s’avance entre les divers bassins, comme s’il cherchait quelque chose ou quelqu’un. Un assassin ? Ma main se resserre sous l’eau, prête à envoyer une vague de magie noire pour me défendre s’il le faut.
- Qui êtes-vous ?
Ma voix est ferme et tranchante dans le silence, mais pas suffisamment élevée pour attirer les gardes par ici. Après tout, qui voudrait ma mort ? Je suis juste dans mes choix et dans mes agissements et je fais tout pour que les autres respectent les règles, tout en étant moi-même irréprochables. Mon cœur appartient à mon peuple tout entier, malgré cette distance qu’on m’oblige à mettre entre moi et les miens.
