Puis-je avoir votre bénédiction, Maitre ? [Elrond]

Voilà maintenant une journée que je suis rentrée chez moi, en Imladris, et s’il est un endroit où je sais pouvoir trouver en ce début de soirée le maître des lieux, c’est bel et bien la bibliothèque. Cet endroit qui autrefois a accueilli une jeune elfe impétueuse et butée, et un maitre patient et compréhensif est depuis longtemps devenu mon sanctuaire lorsque je me trouve ici. J'aime compulser les parchemins antiques et les ouvrages de cuir relié, comparer les herbiers et ressortir, parfois, de leurs étagères, les traités de guérison que je connais aujourd’hui par cœur. C’est aussi ici, aux côtés d’Elrond, que j’ai appris à contrôler ce don qui coule dans mes veines. En tant que dernière descendante de Celebrimdor, qui autrefois forgea les trois anneaux des elfes, certains s’attendaient à ce que je me penche du côté de la joaillerie, mais je n’ai jamais rien compris au travail précis et méticuleux de l’or et des pierres précieuses. Non, je laisse ça à ceux qui savent utiliser de minuscules petites pinces pour fabriquer de petites choses si minuscules… Et puis, il faut tant de patience ! Je n’ai jamais su rester à la même place des heures durant. Alors, non : j’ai préféré la guérison, et utiliser ce don, cette compassion que j’avais en moi, pour aider les autres.

Mais, cessons donc de penser au passé. Cet endroit a toujours eu cet effet sur moi, ce besoin de repenser au passé alors que je marche de mon pas léger entre les hautes étagères, et que je contourne celles qui concernent les finances d’Imladris, pour tomber sur Elrond, assit à la même place qu’il y a mille ans, penché sur ses registres. Il ne manque qu’une demoiselle attentive, qui boit chacune de ses paroles à son côté. Je toussote légèrement avant de m’avancer vers lui, lorsqu’il lève la tête vers moi, un sourire sur les lèvres.

- Bonsoir, Maître.

Je m’installe sans lui demander la permission à ma place, juste en face de lui, et ma main gauche se tend par-dessus la table pour attraper l’une des feuilles. A mon doigt, la bague qu’Elladan m’a offert il y a quelques heures à peine, bague autrefois offerte à Celebrian par Elrond lui-même. Sur le coup, je n’ai pas réalisé que je la portais encore, et je me raidis un peu, avant de prendre la feuille pour l’observer, secouant la tête de droite à gauche.

- Je n’ai jamais compris comment vous faites pour tenir les comptes de cette cité tout seul. Pour moi, ce ne sont que des chiffres qui s’alignent les uns derrière les autres.

J'espère simplement qu'Elrond ne remarquera pas la bague, même si j'ai l'intention de lui parler pour obtenir sa bénédiction, je ne veux pas non plus l'imposer à celui qui a si longtemps été mon maitre.

Installée en face de son maitre, celui qu’elle a depuis si longtemps accueilli dans son cœur comme étant presque une figure paternelle, elle hésite sur la façon dont elle peut amener sur le tapis ce qu’elle souhait dire. Cependant, la jeune femme n’a d’autre choix que de parler et de dire à l’elfe en face d’elle ce qu’elle a sur le cœur. Etrangement, lorsqu’elle a du parler à celui qui l’a élevée comme sa fille, elle n’a pas eu tous ces soucis, les mots coulant de sa bouche comme un flot ininterrompu. Cependant, là, la jeune elfe se sent toute intimidée, comme si ce n’était pa selle qui était en face de l’elfe, mais une tierce personne et c’est pour ça que c’est le ‘il’ qui est venu pour ce poste alors que d’habitude cette elfette RP au ‘je’ –‘ . Elle ouvre la bouche, puis la referme, et finalement hoche lentement la tête.

- Hey bien, pour commencer, je voulais vous annoncer ma présence dans vos terres. Vous savez que j’y ai mes quartiers depuis longtemps, mais je m’y sens encore comme une invitée, comme si j’étais arrivée hier. Peut être que c’est du à la beauté des lieux… Je ne m’y habituerai peut être jamais.

La jeune femme porte sa main gauche à sa poitrine pour s’incliner légèrement avec de jouer avec la bague dont elle n’a pas encore l’habitude. Elladan la lui a passée au doigt quelques heures plus tôt à peine, scellant par là les sentiments réciproques que les deux ont enfin su s’avouer, après tant d’années à se tourner autour, à se chercher, se chamailler et échanger des regards qui voulaient à la fois tout et rien dire. Au fond, la guérisseuse était presque certaine que la plupart de leurs proches avaient pris les paris depuis longtemps sur combien de temps les deux têtes de mule qu’elle et Elladan sont allaient mettre pour enfin réaliser ce qui les liait. Et, même si elle avait depuis longtemps l’espoir qu’un jour cette histoire termine dans le sens qu’elle était en train de prendre, elle n’était pas certaine que la folie d’elladan et son besoin de venger sa mère puisse laisser place à une autre femme dans son cœur.

- Mais, je dois avouer une chose : je suis surtout venue pour… Hé bien… Pour vous parler d’autre chose. Depuis deux mois… Elladan et moi… Hum… Nous nous… fréquentons, si je puis dire, et avant… Avant d’aller plus loin, avant de réellement songer à un avenir avec lui, je voulais être sûre que vous n’y voyiez pas d’inconvénient.

Je suis… stressée. Non, pire que ça. J’ai peur. Peur de ne pas être à la hauteur de ce qu’Elrond attendait pour son fils. En réalité, c’est pour ça que je suis là, plus qu’autre chose. Parce que j’ai bien envie qu’il me dise réellement ce qu’il en pense. S’il disait non, je crois que… Je crois que l’appel de Valinor deviendrait si grand que je prendrais le bateau des elfes et que j’irais me réfugier dans les limbes de l’oubli. Mais, mon cour manque un battement alors que la main de mon maitre se pose sur la mienne et joue un instant avec ma bague, avant de se mettre à parler, rassurant toutes mes peurs d’un coup.

- Je … Merci.

Je retire ma main pour contempler cette bague en or, très simple, avant de sourire, des étoiles dans mes yeux. Bien. Donc, j’ai l’aval de celui qui a parfois été un père de substitution. Oh, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : ma tante et ce garde qui m’a soutenue, sauvée puis élevée, je les aime de tout mon cœur. Mais, jamais je n’ai réussi à les laisser suffisamment entrer pour qu’ils partagent ma vie autant que j’ai pu partager la leur. Alors, aujourd’hui, ce n’est pas leur aval que je requiers, car je sais qu’il m’est déjà acquis depuis longtemps. Non, aujourd’hui c’est celui d’Elrond dont j’ai besoin.

Mon sourire radieux toujours sur mes lèvres, je hoche lentement la tête, incapable de réellement parler. Certes nous allons prendre notre temps avant de penser réellement au mariage en lui-même, mais je ne peux m’empêcher de penser à certaines autres choses, comme tous ces préparatifs, ou la robe que je porterai. Bon, nous n’avons pas réellement parlé mariage, tous les deux mais… Lorsque le choix des elfes est fait, il est définitif. Du coup, même si ça prend cent ans de plus, c’est tout simplement la suite logique des choses, n’est ce pas. D’un certain côté, j’ai hâte. J’ai hâte de pouvoir enfin partager chaque instant de ma vie avec lui. Parce que… Je l’aime, tout simplement.

- Je suis vraiment soulagée. J’avais peur… De bêtises.

Oui. J’avais peur qu’il veuille un meilleur partit mais, quand on y réfléchit, ma lignée est ancienne, très ancienne, et mon sang aussi noble que celui de mon Elladan. J’ai été sotte de penser ne pas être à la hauteur. Certes, je n’apporte pas dans cette famille de biens précieux, ou une alliance intéressante mais… Mais je suis heureuse de pouvoir avancer vers mon avenir, le cœur serein.

Des fois, je suis totalement stupide. Non mais vraiment. Je sais être de noble naissance, je sais que je pourrais même avoir ma place dans le conseil de Galadriel si je le souhaitais. Parce que, je suis de très noble naissance, parce que mon ancêtre s’est illustré. Il a forgé les anneaux des Elfes, sans l’aide de Sauron, et il a su se dresser face à son ancien maitre. Certes, il a été ensuite torturé, puis tué et sa peau a servi d’étendard à Sauron, mais… Mais il l’a fait. Son nom restera dans les mémoires, et moi, je suis la dernière de sa lignée. Alors, parfois, quand je me dis que je ne vaux pas autant que certains autres, que je suis largement inférieure à la lignée d’Elladan, ou encore que je suis une simple guérisseuse hé bien… Je suis stupide. Totalement. Pourtant, une petite part de moi restera toujours cette petite fille apeurée qu’on a trouvée dans le creux d’un buisson après avoir assisté à une attaque d’orcs qui a pris la vie de ses parents. Et, cette petite fille a besoin d’être rassurée, de prendre son temps pour réagir et pour faire les choses. C’est peut-être pour ça qu’Elladan et moi-même avons mis autant de temps à nous trouver, et que finalement… Hé bien ça s’est fait tout seul. Pourtant, une part de moi ne peut s’empêcher de penser que quelqu’un va me retirer ce bonheur au moment où je vais pouvoir l’atteindre.

- Je suis heureuse de vous l’entendre dire, maitre.

Je reste quelques secondes en place avant de me relever, un peu brusquement, certes. J’espère ne pas avoir fait sursauter Elrond mais… Mais je dois y aller. Je ne peux pas rester ici alors que mon cœur me hurle de rentrer chez moi, où je sais que l’elfe de ma vie se précipitera dès qu’il verra Nizard aux écuries de la cité. Je sais qu’il va venir pour me saluer, et j’ai réellement besoin de lui crier haut et fort tout ce qu’il vient de se passer.

- Veuillez m’excuser, maitre. Je … Je dois aller l’annoncer à Elladan. Ne m’en veuillez pas… Je veux juste voir le sourire sur son visage quand il comprendra.

Je m’incline, et elle une enfant, je pars comme une fusée dans la bibliothèque, me faisant une fois de plus rabrouer par l’elfe chargée de tenir les lieux calmes. Mais, aujourd’hui, je m’en fiche. Je m’en moque. Je me moque de l’hiver éternel qui sévit dehors. Mon cœur est en fête et c’est tout ce qui compte à mes yeux.