Lorsque Kili vint au monde, le jeune Fili n’avait que six ans. Jeune et insouciant, il vit cette petite chose au crâne poilu comme un intrus. Le prince héritier observa le bébé, endormi dans son berceau, et lança un regard farouche à sa mère. Les yeux bleus heurtèrent les yeux verts, et le nain grogna, en grattant la naissance de ses cheveux. Son air embarrassé et grognon fit sourire sa mère qui demanda d’une voix douce :
DIS ⏏ « Qu'y a t-il, Fili ? »
FILI ⏏ « Pourquoi je dois avoir un frère ? J'étais très bien tout seul. »
DIS ⏏ « De quoi as-tu peur ? »
FILI ⏏ « De rien ! Un nain n'a peur de rien ! »
La réponse farouche du petit tira un sourire plus grand à sa mère. Elle lui tendit soudain l'enfant, et Fili prit pour la première fois Kili dans ses bras. Au milieu de cette couverture bordée de fourrure, il y avait ce petit être de chair et de sang, qui était son frère. Fili fronça les sourcils, l'air toujours aussi grognon ; il avait relevé le menton, d'un air décidé, quand un gazouilli lui fit baisser le regard. Kili s'était éveillé, et ses grands yeux sombres observaient son frère alors qu'il faisait des bulles et souriait d'un air idiot. Quand la petite main attrapa la tunique de Fili et qu'il agrippa son doigt, Fili sentit quelque chose en lui.
L'instinct fraternel.
FILI ⏏ « Et lui non plus n'aura peur de rien. Parce que je serais là pour le protéger. »
Le murmure décidé du blond laissa sa mère songeuse, mais elle était heureuse de voir que l'égoïsme borné de son enfant s'était changé en autre chose de bien plus doux. Dis avait été sûre que cela lui passerait - Fili n'était pas un mauvais nain, au contraire. Thorin lui apprenait, en compagnie de Dwalin, à être bon et juste. Parfois, il lui semblait qu'ils étaient trop sévères, qu'ils en attendaient trop de son fils, mais il était l'héritier après tout ... Elle sourit et se sentit rempli d'un bonheur intense en voyant Fili border Kili et lui chantonner une berceuse - chansonnette qu'elle lui chantait elle-même quand Fili était enfant.
⏏⏏⏏
FILI ⏏ « Je ne crois pas que ça soit une bonne idée, tu sais ? »
KILI ⏏ « Et c'est ton large sourire qui devrait me convaincre d'arrêter ? »
Fili réprima un éclat de rire. Thorin et Dwalin n'allaient, mais alors vraiment pas être contents ! Pourtant, il aida Kili à faire ce qu'ils devaient faire : frelater les bières de la taverne principale des montagnes. Oui, c'était mal. Oui, cela allait sûrement avoir mauvais goût. Mais cela leur ferait les pieds, à eux tous qui leur interdisaient de boire un peu, sous prétexte qu'ils étaient trop jeunes ! Alors qu'ils abandonnaient le gros tonneau de sauce qu'ils avaient vidé dans celui de bière, une voix les fit se hérisser :
DWALIN ⏏ « Je peux savoir ce que vous faites, tous les deux ? »
KILI ⏏ « COURS ! »
Et dans des cris, des rires, ils échappèrent à Dwalin, moitié riant moitié sévère.
⏏⏏⏏
THORIN ⏏ « Cela clôt notre cours d'aujourd'hui. ... Fili ? »
FILI ⏏ « Oui, mon oncle ? »
Le nain avait rangé la carte qu'ils avaient parcouru attentivement dans sa ceinture, dans le petit tube de cuir fait à cet effet. Son regard croisa celui si pur de son oncle, et il garda le visage grave.
THORIN ⏏ « Tu as fais bien des progrès depuis quelques temps. Je suis fier de toi. »
Fili essaya de réprimer le sourire qui lui vint aux lèvres, mais son regard pétilla de fierté. Il vivait pour ce genre de mots - il vivait pour son futur peuple, et pour voir cette étincelle d'admiration. Il hocha la tête, droit, et s'éloigna. Si, avec Thorin, il était l'héritier, il n'allait pas délaisser Kili.
Qu'on le laisse vivre en tant que prince, mais aussi en tant que jeune naine. Il méritait bien une petite bière, non ? Il rejoignit son frère, et ils traversèrent les rues pour rejoindre la taverne. Ils s'y installèrent, en partageant les dernières nouvelles. Le blond observa son petit frère, se moqua gentiment de son absence de pilosité en fourrageant la sienne d'un air faussement supérieur, et lui donna une accolade fraternelle. Ils brillaient tous les deux de faire leurs preuves. Et ils n'allaient pas tarder à pouvoir le faire - leur oncle avait prévu de retourner récupérer Erebor. Erebor, la grande, la divine, celle dont sa mère, son oncle et les autres leur parlaient depuis leur plus tendre enfance. Erebor, la cité qui faisait rêver les deux frères. Ils allaient la récupérer, et permettre à Thorin de remonter sur le trône qui lui revenait de droit. Fili leva sa chope de bière, trinqua avec son brun de frère, et laissa ses pensées s'éloigner de la royauté. Au moins pour un moment.
Car on n'arrête jamais d'être prince.