L’air était frais et une légère brise faisait bouger la surface de l’eau qui composait le Long-Lac. Bientôt, la nuit tombera. Bard se tenait debout, juste devant le pont qui reliait Esgaroth à la terre ferme. Il était venu observer les couleurs de l’automne. Nous étions en début octobre et les arbres commençaient lentement à perdre une par une leurs feuilles teintées d’orange et de rouge. Un mois encore et les feuilles seraient sans doute toutes tombées, ou presque, dénudant les arbres et faisant place à l’hiver, qui avait d’ailleurs déjà touché le Gondor. Le mage bleu avait tenu sa promesse…
Bard laissa échapper un léger soupir. Qu'est-ce que c'était beau les feuilles d'automne! Le bruit de son ventre qui gémissait de faim le ramena à la réalité et le fit s’en retourner vers le centre du village pour y trouver l’auberge la plus près. Pas le temps de se faire lui-même à diner ce soir et puis il avait envi de se plonger dans l'ambiance joviale que dégageaient les tavernes. Rendu à ladite auberge, Bard entra, plongeant dans la cacophonie des hommes et des quelques femmes déjà présentes dans la salle. Bard se dirigea vers le comptoir et prit place, regardant autour de lui. Pour certains clients, la soirée semblait être déjà bien entamée. Certain finiraient ivres très bientôt.
Les semelles mouillées de ses bottes couinaient exagérément à chacun de ses pas. Mais ce détail agaçant pour certain ne perturbait nullement la jeune femme, qui poursuivait tranquillement son chemin le regard alerte et curieux à la fois. Voilà deux bonnes heures qu’elle errait sur ce nouvel horizon ; Esgaroth, selon les dires de personnes qu’elle croisait sans qu’aucune ne semble pour autant la remarquer. D’ordinaire, Aïden se serait réjouie voir même félicitée de cet exploit, profitant au passage pour chiper une dague ou deux et de quoi tromper la faim çà et là. Et pourtant l’humeur n’était pas au rendez-vous ce jour-ci. Elle se serait volontiers plantée là, au beau milieu de la foule, à attendre qu’une âme charitable vienne la prendre par la main et lui révéler qui la demoiselle était jadis. Oui, malgré tout, sa famille et ses amis, si famille et amis elle avait, lui manquaient. Au lieu de cela, Aïden flânait dans cette étrange ville sur pilotis sans réellement savoir où aller ni que faire, comme à son habitude. La seule chose dont elle était certaine ? Le temps dont elle disposait avant que sa fuite ne recommence peut-être une énième fois, et autant dire qu’il s’écoulait vite. Cette lutte contre elle-même l’empêchait de vivre pleinement, de se poser, de trouver un chez-soi et, pourquoi pas, de fonder plus tard une famille. Quelque chose de stable, de rassurant, c’était tout ce qu’elle demandait. Or rien ne pouvait être stable avec Aïden. Un soupir fataliste lui échappa. Elle se résolut donc quelques minutes plus tard, tel un enfant capricieux changeant brutalement l’objet de ses attentions par un autre, d’abandonner une bonne fois pour toute ces attentes chimériques et de repartir sur de bonnes bases. L’esprit qui habitait autrefois son corps n’était plus. La demoiselle devait se résigner. Peut-être contrainte d’aller de village en village, de travailler pour ensuite voler et s’exiler, mais après tout Aïden vivait. Quoi qu’elle eût fait par le passé, on lui redonnait une seconde chance. Une chance de devenir meilleure, du moins autant que son handicap le lui permettait.
« Se contenter de ce que l’on a, oui… », murmura Aïden pour elle-même avant de pousser une porte.
L’ambiance changea du tout au tout et un sourire flotta quelques instants sur ses lèvres. Dehors, le ciel délavé et le léger vent frais paraissaient entamer le moral des gens, la mine maussade. A l’intérieur, la lumière chaleureuse qui émanait des nombreux bougeoirs semblait au contraire les égayer si bien que le silence n’y trouvait aucune place. A moins que l’alcool y était pour quelque chose. Aïden fit délicatement glisser son capuchon sur ses épaules alors que ses yeux bleutés, intrigués, balayaient encore une poignée de secondes la salle pourtant loin d’être bondée. Puis elle combla d’une démarche souple et déterminée la distance qui la séparait du comptoir. S’asseyant sur le premier siège libre s’offrant à elle, la jeune femme commanda de quoi se désaltérer et se rassasier, laissant ses pensées divaguer.
Le fumet que dégageait l'assiette que venait de poser le tavernier devant Bard fit presque saliver ce dernier. Ah ce que cela allait être bon! Sans doute plus que lorsqu'il cuisinait lui-même. On ne peut pas dire que la cuisine était un don chez l'archer. Ces filles étaient meilleures que lui, elles avaient apprises de leur mère. À cette pensée, le moral de Bard baissa d'un coup. Son statut de veuf lui sauta au visage, lui remémorant de mauvais souvenirs. L'archer était prêt à tout pour revenir dans le passé et empêcher ce moment fatidique où il avait perdu sa femme, sa douce moitié... Tout ça était encore trop douloureux pour lui d'y repenser, même si cela faisait quelques années que l'accident était arrivé.
Bard tenta de chasser ce triste passé de sa tête et entama son repas, l'humeur au plus bas. Finalement, les feuilles aux couleurs d'automne n'avaient pas améliorées grand chose dans sa journée. Cela n'avait duré que quelques minutes. Bard avait presque l'envie de se caler une chope de bière pour oublier et de rejoindre ce cercle d'ivrognes assis un peu plus loin dans un coin de la pièce. Mais l'arrivée d'une inconnue l'en empêcha. Une jeune femme venait de s'assoir à ses côtés et de se commander de quoi boire et manger. Bard l'observa du coin de l'œil. L'inconnue semblait jeune, sans doute avait-elle dans la vingtaine? Elle avait des cheveux mi-longs gris-blanc comme la couleur d'un ciel d'hiver, des yeux bleutés mis en valeur par des cils noirs et son visage fin était constellé de petites taches de rousseurs. La fille semblait prise dans ses pensées. Bard n'osait pas la déranger, mais pourtant, elle l'intriguait. Il ne l'avait jamais vu par ici auparavant et se demandait d'où elle pouvait bien venir. Curieux de nature, Bard ne put s'empêcher de l'aborder gentiment. « Bonjour, excusez-moi. Je me demandais...Vous n'êtes pas du coin n'est-ce pas?» Bard lui sourit, se voulant amical.
Aïden n'avait pas eu encore le courage d'entamer son breuvage pour l'heure et préférait visiblement s'amuser à faire rouler lentement le fond du verre sur le comptoir, le regard vide. Quelle serait sa prochaine destination ? Finirait-elle par réussir à vivre dans un village comme celui-ci ? Non, pas comme Esgaroth. Cet endroit lui semblait trop triste et pauvre pour aspirer à une vie convenable, même si ces gens y survivaient. D'ailleurs, voler dans de pareils lieux se révélait être quasi infructueux. Voler quoi ? Une couverture et du poisson ? Il lui fallait alors se pencher sur une carte, lorsque sa lucidité est au rendez-vous, et choisir un nouveau point de chute. Là où elle pourrait facilement mener une existence paisible, de préférence. La jeune femme n'eut pas le temps de s'interroger davantage puisqu'une voix masculine s'éleva à ses côtés. La vagabonde sursauta légèrement, manquant de renverser quelques gorgées de son précieux liquide sur le bois, non sans laisser échapper un son sous la surprise. Ne s'attendant pas à ce que l'on engage la moindre discussion avec elle, Aïden se contenta de planter son regard perplexe dans celui de son interlocuteur, sans ciller, comme si le temps s'était figé. Ami ? Ennemi ? La voleuse se préparait déjà à détaler si cet homme venait lui porter préjudice, mais il n'en fit vraisemblablement rien. Ses épaules se décontractèrent donc quelque peu, puis elle esquissa un faible sourire, restant néanmoins sur ses gardes.
« Il faut croire que non... ?»
Il n'y eut aucune trace de mélancolie ou de désespoir. Son ton s'approchait au contraire de celui du brun: posé et bienveillant. Apparemment du genre curieux, Aïden se demanda s'il comptait réellement mettre le nez dans son passé en poursuivant plus encore la conversation. Bonne ou mauvaise chose ? Aucune idée. Elle détourna peu à peu les yeux de l'inconnu, légèrement perdue et intimidée peut-être, pour fixer son verre et y tremper quelques secondes plus tard ses lèvres.
La jeune femme à ses côtés semblait assez pensive. Tellement pensive que Bard la fit sursauter lorsqu'il l'aborda. Elle échappa même un son de surprise. Pour réagir autant, il fallait être quelqu'un d'assez nerveux. À moins que cette fille n'ait vraiment pas l'habitude de se faire aborder par quelqu'un d'autre? Tout de même, Bard fut presque surprit par la réaction de sa voisine. Lorsque cette dernière planta un regard perplexe dans celui de l'archer, il ne sourcilla même pas, mais il lui sourit doucement, voulant la rassurer. Lorsque la blonde lui répondit, Bard se demanda si elle désirait vraiment parler. Peut-être la dérangeait-il et qu'elle désirait ne rien savoir de lui et qu'il s'en aille?
Par précaution, Bard préféra s'excuser. « Je suis désolé, je ne voulais pas vous effrayer. Mais peut-être que je vous dérange? » L'homme prit une pause, dévisageant la fille, s'arrêtant avant de devenir impudent et reprit. « Si c'est le cas, ne vous en faites pas, je vais vous laisser tranquille. » Il ajouta un sourire à ses paroles pour que la fille ne le pense pas insulté, puis il se détourna quelques secondes pour prendre une gorgée de son breuvage et quelques bouchées de son repas avant qu'il ne refroidisse.
Aïden sembla tomber des nues aux excuses de cet homme et ses joues s'empourprèrent quelques instants, honteuse. Lui, qui se montrait courtois envers elle, recevait en retour des paroles visiblement froides et vexantes de sa part. Un véritable paradoxe. Et sa dignité en pris un coup, à vrai dire, car elle restait malgré tout attachée aux politesses. Sa réaction et son manque de tact n'étaient pas excusables, quand bien même elle avait coutume de demeurer dans l'ombre des gens, invisible pour beaucoup. Alors oui faire la conversation n'était pas son fort, certes, mais elle reconnut tout de même qu'un peu de bonne volonté ne pouvait être que bénéfique lorsqu'on lui donnait l'occasion d'entrer dans la lumière. Surtout que la voleuse n'évoquait rien pour ces villageois et que nul ne la forçait à faire étalage -on ne pouvait plus bref- de son passé, ni de ses intentions à venir. La jeune femme reposa lentement le verre et se racla doucement la gorge.
"On dit qu'un hiver éternel est sur le point de s'installer sur les terres du milieu... De simples rumeurs ?"
Elle risqua un regard en coin, peu sûre que son comportement ait donné envie de converser à nouveau. Mais bien vite il glissa machinalement sur les bouteilles plus ou moins alignées derrière le comptoir, comme pour éviter de lire de l'ennui chez l'inconnu.
Parfois il fallait savoir se taire et parfois non. Là, Bard regretta un peu ses paroles qui avait, à ce qu'il pouvait voir, gênées l'inconnues. Apparemment il ne s'était pas pris de la bonne manière et son intention de ne pas mettre mal à l'aise la fille avait échouée. Mais ça c'était lui, il avait la manie de se méfier des inconnus et même s'il voulait paraitre sympathique, sa méfiance embarquait assez souvent et puis sa curiosité aussi. Lui qui souhaitait toujours s'informer de tout pour ainsi être paré à contrer un éventuel évènement pouvant mettre en danger la vie des citoyens. Bard n'était pas Bourgmestre de Lacville, mais rien de l'empêchait de se soucier du bien-être de la population.
C'est alors que la jeune femme se tenant à ses côtés se décida de parler un peu plus, demandant à l'archer si l'hiver éternel n'était qu'une simple rumeur. Bard fronça les sourcils, soucieux. « Cet hiver n'est pas une rumeur. Parait-il que le Gondor en est déjà touché. » Le mage bleu avait malheureusement tenu parole et si personne ne l'arrêtait à temps, l'hiver prendrait la Terre du Milieu entière. Pourtant, plusieurs individus que ce soit des nains, des elfes ou des Hommes avaient déjà tentés d'arrêter le Mage, mais leur mission a échouée, puisque le mage était toujours là quelque part à manigancer des plans sur cet hiver qui arrivait.
"Mais... N'y a-t-il pas de mages en ce monde assez puissants pour y mettre un terme ?"
Si les menaces proférées par cet être vil glissaient lentement sur les terres du milieu, un certain nombre de personnes capables d'y remédier devaient savoir, à cette heure-ci, que le jeu était terminé et qu'il cédait désormais sa place à la confusion, au doute voir à la peur chez les honnêtes gens qui les peuplaient. Comment se faisait-il que le Mal avalait peu à peu la pureté de ces lieux sans qu'aucun ne semble pouvoir se dresser contre lui ? Aïden haussa les épaules, comme résignée elle aussi au sort qui les attendait tous. Elle finit son verre, adressant par la suite un triste sourire à l'homme qui l'avait abordée, telle une enfant perdue ne demandant qu'à être rassurée. Car si la magie d'une neige tombant naturellement sur ces terres la ravissait, un hiver éternel ne présageait que du malheur: les différents types de vivres qui tendent à s'amoindrir, le bois abattu en plus grande quantité pour chauffer les divers foyers, menaçant ainsi des écosystèmes et incitant des bêtes à s'approcher d'un peu plus près des villages, des enfants, ces âmes innocentes destinées à leur succéder. Ne disposait-on donc pas de moyens suffisants pour enrayer tout cela ?
Il n'y a pas de souci tu sais ! C'est mieux que tu répondes tranquillement quand tu en as le temps et, surtout, l'envie, pas que ce soit une contrainte et que ça te presse :)
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Mar 29 Juil - 0:30
Bard et Aïden❧ What are you looking for?
La question de l'inconnue porta Bard à réfléchir, sa chope en suspension entre le bar et ses lèvres. Oui... N'existait-il pas un mage quelque part en Terre du Milieu plus puissant encore que ce mage bleu semant l'hiver sur ces terres? Mais si ce mage existait, où se trouvait-il? Où se cachait-il? Bien sûr, ce mage n'existait peut-être pas, ce n'était qu'une supposition, mais s'il existait, il fallait le trouver et, enfin, on pourrait mettre fin pour de bon à cet hiver et la tranquillité pourrait peut-être revenir pour un certain temps. « Je ne peux savoir... Mais si un tel mage existe, il serait bon de le retrouver pour mettre fin à l'hiver. »
Malheureusement, Bard n'avait pas le temps de partir vagabonder en Terre du Milieu dans l'espoir de trouver un Mage plus puissant encore que le mage bleu. L'archer devait rester à Esgaroth pour s'occuper de sa petite famille, pour veiller à ce que personne ne manque de nourriture et pour surveiller un peu ce maitre de Lacville et son suivant Alfrid, car ces deux là pouvaient bien manigancer des choses étranges parfois et puis les abus d'alcool du Maire n'aidaient pas le duo à avoir les idées les plus claires et intelligentes. D'ailleurs, la population d'Esgaroth commençaient à en avoir assez de ce Maitre et songeait à partir de nouvelles élections, ce qui ne leur ferait pas de mal.
L’air était frais et une légère brise faisait bouger la surface de l’eau qui composait le Long-Lac. Bientôt, la nuit tombera. Bard se tenait debout, juste devant le pont qui reliait Esgaroth à la terre ferme. Il était venu observer les couleurs de l’automne. Nous étions en début octobre et les arbres commençaient lentement à perdre une par une leurs feuilles teintées d’orange et de rouge. Un mois encore et les feuilles seraient sans doute toutes tombées, ou presque, dénudant les arbres et faisant place à l’hiver, qui avait d’ailleurs déjà touché le Gondor. Le mage bleu avait tenu sa promesse…