Peste soit des nains ! [Thorin]

« Tu veux que j'arrête, Ekri ? » demandais-je avec un sourire amusé, et le nain que je venais de mettre à terre grogna comme toute réponse.

J'enlevais de sa gorge le fer de ma lance et éclatais de rire avant de m'éloigner. J'avais chaud sous mes cuirs et mes fourrures, et j'enlevais avec lenteur mon manteau en fourrure de loup. Je gardais mon pourpoint en cuir au loup gravé, mais mes bras nus couverts de sueurs se rafraîchir rapidement au contact de l'air frais. J'avais la gorge sèche et bus une gorgée de bière, avant de remettre ma gourde dans mes sacs et de m'éloigner du terrain d'entraînement quelques minutes pour m'asseoir sur l'un des bancs d'en face. Je repoussais d'un geste négligent ma tresse de cheveux roux, puis observais avec amusement les autres nains s'entraîner.

J'étais plus forte qu'eux au maniement des lances, mais ils étaient tous plus lourds et plus musclés. J'avais cependant l'avantage de l'agilité ; quand on pesait une centaine de kilos de moins, ça aidait. Je remarquais une silhouette toute proche et la hélais alors qu'elle regardait par ici, en direction du terrain d'entraînement :

« Hé bien, messire, êtes-vous venu regarder ou vous entraîner ? » fis-je d'une voix enjouée, avant de continuer sur le même ton :

« Si vous êtes venus vous battre, je veux bien me porter volontaire ! Ne vous fiez pas au fait que je sois une femme, je donne du fil à retordre à ceux-là ... »

Je me relevais enfin et m'approchais d'un air tranquille du nain. Son visage ne me disait rien et je lui souris plus amicalement encore. Mes mains étaient posées sur mes hanches, ma lance dans le dos. J'avais l'air plus féminine, sans mes couches de vêtements, mais on n'aurait difficilement dit que j'étais une noble - tant mieux.

« Les nains ont du mal à me voir comme une adversaire notable. Tout ça parce que je suis une naine » grommelais-je.

Cela m'avait échappé, mais je ne me rendis pas compte de ce que mes mots contenaient de rancoeur. J'avais toujours vécu à l'ombre de mon sexe ; je ne pouvais être pleinement reconnue parce que j'étais une femme et non née mâle. Je détestais cela, ça et ma condition de noble. Je soupirais et tournais mon regard pâle vers mes compagnons ; ils s'amusaient au loin, mais je n'en ressentais nulle jalousie, juste une pointe d'amertume. En attendant, je manquais aux politesses - chose très présente chez moi. Je tendis soudain une main vers le nain et me présentais, pleine de bonne volonté :

« Au fait, je m'appelle Ilhy, Ilhy Sombréclat » fis-je, en continuant ma bourde et en donnant mon nom de noble.

Peu de personnes étaient capables de faire le lien avec ma famille des Monts de fer. J'étais persuadée qu'il ne reconnaîtrait pas en moi une noble enfuie de chez elle ; qui aurait pu le faire, de toute façon ? Mon regard pâle se posa sur lui, pour l'observer ; son visage était dur, ses traits impérieux. Il y avait chez lui une espèce de charme étrange, comme un bout de miroir cassé, tranchant. Je gardais le sourire en attendant qu'il se présente, curieuse.


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