« I believe that everything happens for a reason » Nadezda

❝ C’était la fin d’une journée de printemps, au cœur de l’ Ered Luin, laissant le soleil couchant teinter de rouge les roches dans Hauts Monts et parsemant le ciel des premières étoiles dans un bleu profond. Alors que la Lune ronde blanchâtre venait prendre lentement la place qui lui était due, la ville allait connaitre une courte période de repos, laissant les familles s’endormirent paisiblement avant que les premiers éclats de voix ne résonnent dans les tavernes du Mont Dolmed. Mais parmi les femmes qui allaient regagner le calme de leurs draps, il y en avait une don la nuit risquait d’être fort éprouvante, celle de Brunhilde. Elle était couchée dans le lit de sa chambre, souffrant de milles douleurs, son ventre arrondi se contractait furieusement sous quelques draps, alors que le lit était entouré d’une foule de gens. Parmi eux il y avait bien évidement les Matrones qui allaient l’aider et la soutenir dans cette épreuve mais aussi trois nains dont les deux aînés tentaient d’apaiser le petit dernier. Ils étaient les fruits de son union avec Dolginn : Dolgarïn l’ainé et Thrôri le cadet étaient les portraits crachés de leur père – Bruns aux yeux noirs -, alors que le dernier , Heimdall , avait les cheveux quasi blond et les yeux verts de leur mère. S’il ne se passait rien de grave, l’accouchement était douloureux et ce fut les gémissements plaintifs de leur mère qui les avaient alertés. Sans doute que les cris de la mère avaient réveillé toutes les pièces des alentours. Alors on les fit sortir, priant Dolgarïn d’aller chercher son Père tandis que les deux plus jeunes étaient envoyés à l’extérieur. Les naines matrones participaient à la tâche, amenant des bassines d’eau fraîche et d’eau chaude, des draps propres, ou simplement encourageaient Brunhilde.

Dolgarïn ne mit pas longtemps à revenir en emmenant son Père dans son sillage. Il avait été là a chaque naissance et comptait bien soutenir sa tendre épouse dans cette épreuve, lui tenant la main, l’air soucieux de la difficulté de l’accouchement . « Que lui donnez-vous? » demanda-t’il à l’une des Matrone qui apportait un bol aux lèvres de la futur Mère. « Du simple lait de pavot, très peu concentré. Ainsi que de actée bleue. » Répondit elle tout en se concentrant sur sa tache « Mais regardez-là, elle souffre encore ! » « C’est normal, ne vous inquiétez guère. Le pavot aide contre la douleur, mais Lady Brunhilde ne sentirait plus les contractions, cela pourrait être dangereux pour elle et pour l’enfant. Ou encore, la plonger dans un sommeil profond, ce qui n’aiderait pas non plus. Sauf votre respect, nous nous devons de laisser la dans cet état, si vous voulez que l’enfant soit en bonne santé et survive. Rappelez-vous pour Heimdall.» Même si Dolginn hocha de la tête, il devenait de plus en plus blafard. Pourtant pas réputer pour être un grand sensible et s’émouvoir pour un rien, il ne supportait aucunement la vue de sa femme souffrante. Comme pour ses premiers enfants, il avait prié pour avoir un autre fils qui ferait de nouveau sa fierté et qu’il dirigerait vers l’Orfèvrerie. Car dans la famille, c’était lui qui décidait de l’avenir de chacun, comme son Père l’avait fait, et son Père avant lui …Une longue tradition suivie depuis des générations. Ainsi, de longues heures durant, Brunhilde lutta contre la douleur pour pouvoir donner la vie, et les premières lueurs du Jour venaient enfin caresser les murs de la cité .Des pleurs se firent entendre, alors que la respiration de Brunhilde reprenait, aussi forte qu’avant. Une matrone prit alors dans ses bras l’enfant, frêle et petit, avant de déclarer : « C’est une fille. » Malgré la fatigue et les effets du lait de pavot, Brunhilde se hissa sur les coudes pour apercevoir la chair de sa chair, celle qui l’avait fait plus souffrir que les garçons des années auparavant. « Apportez la moi » dit-elle dans un souffle alors que déjà on posa ce petit être contre sa poitrine. Un large sourire illumina son visage alors qu’elle détaillait le nourrisson qui venait d’entre ouvrir les yeux.

« Elle ressemble à Dolgarïn …Ah non elle à les yeux d’Heimdall ! » Mais Dolginn était toujours sur sa chaise, éberlué. Tout cela pour une fille ? Une fille. Mais qu’allait-il bien faire d’elle ? Pour lui, une femme n’avait pas sa place dans une forge ni même avoir une épée à la main…Mais il était surtout hors de question qu’elle vive a ses crochets. Jamais. Il avait prié pour un garçon… Brunhilde était toujours plongée dans les yeux de sa fille, qui était à présent beaucoup plus calme. Déjà, ses quelques cheveux ébène commençaient à sécher. « Nadezda… » Chuchota la nouvelle mère. « Pardon ? » répondit-il. « Je voudrais la nommer Nadezda. » « Nous avions décidés Nadzë si ma mémoire est bonne. » « Pour un garçon, nous n’avons pas réfléchit pour une fille… Nadzë ne lui irait pas. Nadezda oui. » « A ta guise. » Lâcha t’il sèchement en se levant de son siège et se dirigeant vers la Porte « Je vais annoncer la nouvelle aux Garçons » reprit il en instant bien sur le dernier mot. Après tout, cet enfant lui importait peu.❞

Le silence était total dans l'atelier, uniquement rythmé du tintement discret du métal contre le métal. La nuit était tombée depuis bien longtemps sur les Montagnes Bleues et la lune ronde éclairait ses falaises d'une clarté fantomatique, astre millénaire veillant sur le dernier royaume des nains. Mais Nadezda ne s'en souciait guère, absorbée par une tâche ô combien importante. Elle posa la cisaille sur l'établie, venant d'une main effleurer le bijou. Il y avait quelque chose à cette pierre, comme une réminiscence, de vieux souvenirs à affluant à sa mémoire. Soudain lointaine, elle récupéra le saphir, le portant à hauteur de visage pour l'exposer à la lueur des flammes. La pierre se para de multiples éclats. Bleu nuit, azure, indigo, cobalt, milles teintes pour autant de souvenirs qui remontaient déjà.

Elle vit le jour il y a des décennies de ça, à l'ouest de la Terre du Milieu, là où les derniers vestiges du Beleriand se dressaient fièrement par delà l'horizon. Les Montagnes Bleues, royaume des nains, asile des survivants d'Erebor. D'une famille où il valait mieux naître en tant qu'héritier mâle si l'on voulait exister. Pour préserver l'honneur et la fierté du sang, pour de vieilles traditions qui n'auraient jamais du perdurer. Les descendants de Telchar tiraient leur orgueil d'une longue lignée de mâles, héros de guerre, maîtres de la forge, tous dignes héritiers de leur illustre ancêtre. Une fille n'aurait jamais du avoir sa place dans une telle famille. Tout du moins c'était ce que pensait son père qui dès lors ne la considéra plus jamais comme sa fille. Elevée comme tous ses frères destinés à devenir soldats, Nadezda quitte le cocon maternel pour l'univers plus brutal de l'armée et de la forge.

Aucune différence pour elle qui devra toujours faire aussi bien, toujours plus que ses aînés sans jamais trouver grâce aux yeux de son père qui lui interdira la moindre trace de féminité. De l'apprentissage de l'épée, de l'art des métaux à celui de la guerre, elle devra toujours prouver sa valeur, compensant sa force moindre par une intelligence et une réflexion hors paire. Mais ça ne sera jamais suffisant pour Dolginn qui ne voit en sa fille que le fantôme du fils qu'il aurait pu avoir. Et qu'importe ses efforts, il n'aura d'yeux que pour Dolgarïn, son aîné. Nadezda ne s'est jamais entendue avec lui, peut être même que ces préférences ont fait le lit de la discorde entre eux.
Il n'y a guère qu'auprès d'Heimdall qu'elle trouvera un peu d'écoute, avec sa mère aussi, qui lui appris l'art de l'orfèvrerie qu'elle pratique presque aussi bien que le maniement de la hallebarde dont elle a fait sa spécialité. Réserviste dans l'armée, elle a bien vite connu le chaos du combat et l'horreur du sang versé, elle sait que ça n'a rien d'une comédie. Tout comme la mort d'un de ses frères Thrôri, tué par les orcs l'année de ses soixante ans n'en était pas une. La déception dans le regard de son père et les coups d'oeil accusateurs, elle peut presque lire le fond de sa pensée. Ca aurait dut être elle et pas lui. La fille plutôt que le fils.

Et le chaos n'est jamais bien loin, la privant de sa mère cinq années plus tard, terrassée par une longue maladie. La tension est à son comble aux Montagnes Bleus et les mois qui suivirent ne laissèrent pas de souvenirs agréables à son esprit, perdue qu'elle était entre l'horreur du deuil et la colère de son père. Il ne lui laissera pourtant pas le temps de s'en remettre, l'expédiant aussi vite vers les Monts de Fer, destinée à un mariage avec un inconnu qu'elle tient déjà en horreur. Mais l'union n'aura jamais lieu, le nain, un héritier de bonne famille, aussi frêle que fragile, périssant bien avant la date fatidique d'un mal mystérieux. Nadezda ne rentra pas aux Montagnes Bleues, tout du moins pas pour l'instant. Elle n'avait rien à retrouver là bas, certainement pas une famille qui l'avait trahie pour la donner au plus offrant. Soldat au sein de l'armée des Monts de Fer, elle y passera quelques années encore jusqu'au décès de son père. Peut être était-ce par dérision, peut être pour honorer les derniers restes de respects qu'elle aurait pu avoir pour lui, ou tout simplement par vengeance, mais elle su au regard haineux de Dolgarïn qu'elle était loin d'être la bienvenue en ce lieux.

De sa famille il ne reste plus rien à présent et Nadezda a totalement rompu les ponts avec son aîné, tournant le dos au combat pour retourner vers l'orfèvrerie. L'héritage de sa mère qui ne l'a jamais vu autrement que comme celle qu'elle était vraiment. Ni héritière, ni fils, ni héroïne de guerre mais Nadezda dit "Windhelm", fille de Brunhilde des Montagnes Bleues.