Cynewulf ♦ uc

Un cœur de fer. Une âme de roc. Tels sont les héritages des montagnes d'Ered Engrin légués à Cynewulf. A l'image des labyrinthes tortueux que sont les souterrains des Monts de fer, son esprit sombre demeure un mystère. Si vous le croisez et que vous êtes assez inconscient pour lui adresser la parole, il vous laissera sans aucun doute une impression désagréable. Un mince sourire ne s'esquisse sur ses lèvres que pour accompagner un sarcasme cinglant. Dans ses yeux clairs brille une lueur noire qui vous dévisagera pour se faire un jugement hâtif de votre personne. Il détaillera par votre aspect vos origines, votre tournure d'esprit et de ce fait sûrement vos intentions. Ce regard glacial et impénétrable met terriblement mal à l'aise. Il sonde, juge mais souvent se trompe car il est noirci par la vision préconçue que porte Cynewulf sur le monde et particulièrement tout ce qui n'est pas nain. Et puis il se désintéressera de vous pour continuer son chemin de son allure lourde et assurée. Il est plutôt grand pour quelqu'un de sa race, on le sait capable de monter un cheval même s'il préfère le bon pas des poneys. Comment alors expliquer l'aigreur caractérielle de ce jeune nain ? A t-il perdu un être cher, a t-il été délogé de son foyer comme ceux d'Erebor ? Non, rien de tout ceci. Vous devez mal connaître l'esprit des nains si vous supposez qu'ils sont de charmantes créatures ouvertes aux étrangers. Ils sont impitoyables et rudes, Cynewulf en est l'extrême démonstration. Aucun malheur n'a frappé sa courte existence. Il a contrairement à ce qu'il croit tout à découvrir et à apprendre de ce qui se passe au delà du ventre chaud de ses montagnes. Mais est ainsi depuis toujours, un être orgueilleux qui n'estime avoir de comptes à rendre à personne.

A vrai dire, Cynewulf n'aurait pu naître au monde dans de meilleures conditions que furent les siennes. Le nom d'Urwulf, son père, est porté en haute estime dans les Collines de fer. Il est un combattant d'élite, le capitaine de la garde personnelle du Roi Dain. Être son fils ouvra d'emblée à Cynewulf l'accès aux hautes sphères de la population naine. Il bénéficia d'une éducation très honorable par le biais de son oncle, un érudit cartographe. Il apprit à lire et écrire sa langue natale. Les runes n'ont pas de secrets pour lui. Il étudia le langage commun des elfes, le sindarin, dont il peut également décrypter l'écriture sans pour autant la pratiquer. Lorsqu'il apprit cela, il était encore relativement ouvert. Il lui serait aujourd'hui non envisageable de recevoir le moindre enseignement concernant les aînés d'Ilúvatar. Les enfants sont extraordinaires puisqu'ils ne portent aucun préjugés. Aussi difficile que cela paraisse à croire, Cynewulf fut lui aussi innocent. Cela ne dura pas. Les Nains sont extrêmement fiers de leur civilisation et de leurs œuvres. Il ne tarda pas à voir les merveilles de sa race comme les uniques joyaux de la Terre du Milieu. Le savoir-faire de son peuple le fascina pourtant il échappa à la maladie qui ronge ardemment le cœur des Nains. L'or, les pierres précieuses et les richesses des minerais n'attirèrent aucunement sa convoitise. D'ailleurs on ne trouve que peu de ces roches hors du commun dans les Monts de fer qui comme l'indiquent leur nom tiennent leur valeur du fer. C'est peut-être pour cette raison que le peuple de Daïn perpétue une tradition encore plus guerrière que les autres. Ainsi comme la plupart des jeunes des Collines de fer, Cynewulf suivit une formation militaire dès ses douze ans. On s'attendait à le voir marcher sur les pas de son respectable père lui même issu d'une famille de guerriers remarquables. Ainsi lorsqu'il commença à sortir de sa petite enfance au bout de sa première décennie, il se détacha des jupons de sa mère pour partager son temps entre l'étude et les entraînements. Il n'avait de préférence ni pour l'un ni pour l'autre, il se contentait de faire ce qui selon les autres était le mieux pour lui.

Le potentiel de Cynewulf faisait et, fait encore, l'unanimité. Il serait un jour appelé à de hautes fonctions. On n'avait aucun doute à ce propos. Urwulf et son épouse se réjouissait d'autant plus du caractère fort que développait leur fils au fil des mois. Il ne laissait personne lui parler d'une manière qui lui déplaisait. Ses camarades comprirent vite qu'il valait mieux éviter de se frotter à lui. Et ce n'était pas la crainte de son père qui les tenait à distance. Cynewulf savait trouver des mots d'acier pour se défendre et rallier les autres à ses côtés. Déjà très tôt il agissait comme un coq. Avec le temps, il s'assagit et cessa d'être tyrannique. Il ne perdit néanmoins jamais son aptitude à diriger son monde d'une main de fer. Il vécut une existence plutôt paisible jusqu'à ses trente ans même si sa vie était ponctuée de petits accrochages. Même parmi les nains, rares sont ceux qui font preuve d'une telle opiniâtreté. On lui confia des tâches de simple sentinelle puis lorsqu'il eut fait ses preuves en se contraignant à se soumettre à plus fort que lui, il accéda à des missions plus périlleuses. La barbe poussait à peine sur son visage lorsqu'il dirigea pour la première fois une patrouille à l'extérieur des Collines de fer. Il ne s'y aventurait guère auparavant. La vie souterraine le comblait parfaitement. Mais être sur le terrain était d'une affaire bien plus difficile que de se battre en combat régulier pour s’entraîner. Il dut acquérir une intelligence du terrain, apprendre à pister et à détecter les signes invisibles de la nature. Cynewulf escorta des marchands d'autres races et quelques aventuriers curieux. Il vit au moins à quoi ressemblaient les hommes car les elfes ne s'aventuraient pas au royaume de Daïn. Il se forgea donc une expérience nouvelle plus ouverte sur le monde au delà des montagnes durant une dizaine d'années. Il resta marqué par son affrontement avec une bande d'orques imprudents. Ceux-ci rodaient rarement de leur côté mais parfois on rencontrait des troupes isolées. La victoire revint à la patrouille de nains qui ne compta aucun mort. Cynewulf qui depuis toujours voyait l'existence comme un combat se sentit vraiment vivant à ce moment. Ce sentiment le terrifia. Qui prendrait donc goût au massacre, même celui d'immondes créatures ? Sa jeunesse avide de combats et de gloire avait enfin une raison d'être. Il se servait des ennemis de son peuple comme faire-valoir, attendait avec impatience la prochaine occasion d'en croiser pour les exterminer. La profondeur sombre de son âme se dessinait sans que personne ne s'en rende compte. Vous comprenez, il était un héros, le tout jeune fils d'Urwulf qui défaisait les pions du Mal. Pourtant la distinction entre le cœur des orques et celui des créatures de la lumière est plus flou qu'il n'y paraît...

Le nom du jeune nain imposait le respect parmi les siens. Ce qu'on avait espéré de lui se réalisait comme une évidence. Il était le fils de son père et de sa mère tout aussi respectable. Un exemple pour la jeunesse des Monts de fer. Une promesse de l'avenir glorieux. On murmurait même qu'il devait être d'ascendance noble ou royale car son attitude solennelle et implacable était digne des héritiers directs de la lignée de Durin. Les gens aiment embellir les histoires qui ne le méritent pas tant que ça. Sa suffisance croissait de jour en jour, et bien qu'on puisse la critiquer, elle était aussi le moteur de sa force. Les Nains ne suivaient que ceux qui leur inspiraient confiance. Et la confiance était plutôt sa spécialité, mais jamais envers les autres. Individualiste refoulé, il ne pouvait évidemment briller qu'aux yeux de ses compagnons, d'où l'importance qu'il leur portait. Il apprenait beaucoup de son Roi, un modèle, dont il faisait presque partie de l'entourage. En effet le capitaine de la garde qu'était Urwulf entretenait une franche amitié avec son suzerain. Les choses changèrent lorsque son oncle décida de l'initier à l'art des cartes. Jusqu'à présent le jeune guerrier n'en avait mesuré l'utilité cruciale. Il connaissait par cœur les souterrains des Collines de fer et ses alentours. Le reste ne l’intéressait guère. Il revint pourtant auprès de son oncle pour suivre son enseignement, comme lorsqu'il était un enfant. Le vieux cartographe commença par le faire travailler sur les cartes de la Terre du Milieu pour que les multiples royaumes de toutes les races n'aient plus de secrets pour lui. Cynewulf peu porté sur l'extérieur et l'Histoire, même celle de son peuple en vérité, fut captivé par elle|/i]. Cette montagne dont il avait si peu eu d'échos. La montagne solitaire, Erebor. Sans qu'il puisse se l'expliquer il était captivé par la découverte de ce royaume perdu. Il en devint obsédé, dormant à peine pour lire durant des heures des parchemins contant les légendes à son propos. La malédiction de Smaug le cracheur de feu, la fuite de leurs cousins, leurs errances, la gloire d'antan, tout ceci lui fut révélé comme la chose la plus importante qui soit. On ne s'en souciait guère dans les Collines de fer, ou on s'interdisait d'en parler un peu trop. Certains nains d'Erebor vivaient parmi eux mais refusaient d'en expliquer plus à Cynewulf. Son intérêt pour la cartographie naquit ainsi grâce à la montagne Solitaire. Il s'appliqua à apprendre comment dessiner les cartes, la façon de les calculer ainsi que bien d'autres secrets à leur propos...

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[i]« Rends-toi à Lacville avec les compagnons de ton choix. Une délégation de six nains devrait suffire. Tu dois retrouver la trace de Thorin Oakenshield et l’empêcher de mener à bien cette folie qu'est son entreprise. Il ne doit en aucun cas parvenir à la Montagne solitaire avant nous, as-tu compris ? Une fois là-bas envoie un message dès qu'il arrivera dans la cité. Il s'y arrêtera forcément. Transmets-moi ses intentions et en fonction de cela nous aviserons Fais ton possible pour le convaincre de mettre fin à cette reconquête. »

Cynewulf inclina la tête en signe de soumission respectueuse mais son regard déboussolé trahissait ses doutes. Tout le monde savait que le petit-fils de Thror le roi sous la Montagne projetait de reconquérir son royaume occupé depuis de longues décennies par le dragon Smaug. Des rumeurs couraient à propos de la bête. On ne l'avait pas aperçue depuis une éternité. Était-il mort ? Les trésors d'Erebor se retrouvaient-ils à la portée de n'importe quel voleur ? La Montagne solitaire ne cessait de fasciner l'esprit du jeune nain et maintenant le monde semblait en ébullition à son sujet. Des forces se mettaient en œuvre dans le monde. Même le plus sarcastique des nains ne pouvait ignorer le vent du changement qui soufflait jusqu'au cœur des Collines de fer. Cynewulf était là lors de la grande assemblée de sa race convoquée par Thorin Oakenshield pour discuter de cette aventure. Il représentait son peuple qui n'avait en aucun cas approuvé cette quête. Dans son cœur, Cynewulf lui en avait été complétement remué. Il connaissait une grande excitation à l'idée qu'Erebor, qu'il n'avait jamais connue, renaisse de ses cendres. Il avait le sentiment que ce n'était pas la folie d'un roi sans fief qui caractérisait l'attitude de Thorin. Ce qui était sur le point de se passer resterait gravé durant des siècles dans les mémoires. Il en avait la profonde certitude.

« Mais Majesté.. Les présages ont dit que- »

Sa protestation fut vivement coupée par le Roi qui tapa du point sur l'accoudoir de son trône pour le faire taire. Les honorables nains du Conseil du roi et d'autres notables, dont son père, sursautèrent. Il s'étonnaient de l'affront que faisait Cynewulf en osant contredire son suzerain.

« J'ai confiance en tes talents Cynewulf fils d'Urwulf. Contente-toi d'obéir. » Déclara Daïn.

La conversation était close. Il se leva de son siège pour s'en aller, laissant l'ambassadeur fraîchement désigné à ses pensées. La Cour se dispersa, et il put voir le regard anxieux d'Urwulf sur lui. Jamais il ne l'avait regardé ainsi. C'est d'un pas rageur mais déterminé que le jeune nain fit volte-face pour quitter la salle du trône suivi de quelques compagnons. Il n'était qu'un sujet du Roi. Il n'était qu'un soldat, un jeune nain qui devait s'estimer heureux de l'honneur et la confiance accordées par Daïn. Il remplirait sa tâche, et ne laisserait rien se mettre en travers de son chemin.