Le livre des Comptes. [Quête Messager] [Thodir & Eodia]

Mon regard se porte sur l’horizon, alors que je me trouve tout en haut de l’une des tours du palais, inquiet quant à la suite des évènements. Je ne suis pas tout à fait certain de ce qu’il va bien pouvoir arriver pour moi, pour nous, pour le reste du monde alors que nous sommes coupés de notre roi par cette neige qui commence seulement à fondre autour de la cité. Qu’il ai souhaité partir soit une chose que je comprends, parfois un dirigeant se doit de prendre par lui-même les décisions, mais j’ai du mal à comprendre, encore une fois, son choix de mettre Danel Cenak sur le trône. Quand à cette rumeur qui veut qu’on marie Eodia au premier venu… Elle me fend le cœur, comme l’amour que je porte à la princesse depuis tant d’années n’a su que grandir. Je n’ai pas envie de la voir mariée à n’importe quel noble qui serait incapable de l’aimer comme elle doit être aimée. Cependant, je ne suis pas certain d’être capable de prendre la parole pour lui répéter cette demande en mariage que je prépare depuis des jours maintenant.

Un bruissement dans mon dos me ramène au moment présent et j’incline la tête devant la dame de mes pensées, qui tient à la main le petit mot que je lui ai fait envoyer pour lui donner rendez vous ici. Je la laisse venir jusqu’à la fenêtre où je me trouve et s’accouder à mon côté avant de prendre la parole :

- Mes espions ont repéré quelqu’un qui pourrait nous aider à faire tomber Danel Cenak. Il semblerait que cet homme possède le livre de compte privé de notre ennemi, et qu’il loge dans une auberge peu recommandable. Voulez-vous venir avec moi, Eodia ?

C’est certes un danger pour elle, mais je ne peux me résoudre à la laisser dans cet endroit seule. Elle doit d’ailleurs trouver la tenue de mendiant que j’ai passée sur mes épaules étrange, tout comme la cape qui est accrochée au mur, à côté de vêtements pauvres purement féminins.

- Il y a quelques semaines, vous m’avez demandé comment je pouvais marcher dans les rues à mon gré, sans jamais être reconnu. Si vous souhaitez avoir la réponse, je vous invite à changer de tenue, pour enfiler ces haillons.

- Oui, c’est une excellente nouvelle.

Je laisse Eodia disparaitre pour se changer, et pendant ce temps-là, j’en profite pour mettre un peu de suie sur mon visage et dans mes cheveux, histoire de les salir un peu. Un manant trop propre sur lui, ça ne le fait pas. Pas du tout. Lorsqu’Eodia revient, je hoche la tête avant de sourire, amusé.

- Vous êtes superbe. Le voile vous sied.

Je m’avance donc pour la guider vers le rez-de-chaussée avant de jeter un coup d’œil autour de moi et de me laisser aller à appuyer sur cette pierre dans le mur qui ouvre le passage secret. Quelques mètres nous conduisent à un nouveau couloir, où j’en actionne un second, et nous finissons par arriver dans la rue. Je ne veux prendre aucun risque, car la sécurité de la princesse est en jeu. Alors, je soupire un coup et je guide Eodia jusqu’à la fameuse maison de cet homme où je frappe trois coups pour attirer l’attention de l’occupant à l’intérieur. Quelques minutes passent, et l’homme finit par arriver en bougonnant. Je l’empêche de refermer la porte en y mettant mon pied, et demande à entrer. L’homme semble rechigner, mais lorsque je sors une dague de sous ma chemise, il finit par nous laisser passer.

- Désolé pour cette démonstration de force. Le livre de comptes.

Le visage voilé de la jeune femme à mon côté m’empêche de savoir ce qu’elle pense, même si je sais bien qu’il est impossible qu’elle ait déjà été confrontée à ce qu’il se passe ici. Certes, c’est une chose étrange que de devoir faire preuve de violence pour obtenir une information. Mais, comme je l’ai dis depuis un moment, je suis souvent obligé de faire des choses qui me répugneraient en temps normal. Parce qu’il me semble totalement impossible de faire en sorte que les choses avancent en étant réglo. Se battre dans les règles c’est une idée stupide quand on voit que ceux avec qui on se bat encore et encore n’utilisent que fourberies et manipulations pour se maintenir le plus proche possible de leur but.

Alors, je pousse l’homme et j’entre, exigeant le livre de comptes. L’homme finit par couiner quelque chose et s’éloigne de moi à reculons, s’approchant de son buffet avant de le renverser et de partir en courant. Mais, je m’y attendais un peu, adepte des fourberies des créatures du mal, et je m’élance sans hésiter, utilisant le buffet comme un tremplin pour plaquer l’homme sur le sol et lui tordre le bras dans le dos, mon visage fermé.

- Il suffit. Tu vas nous dire ce qu’on est venus chercher oui ?

La voix fluette d’Eodia retentit dans mon dos. Et, l’homme semble l’entendre. Mon regard se tourne vers la femme de ma vie, et une seconde durant, un sourire de fierté monte à mes lèvres, immédiatement chassé par la tension que je ressens alors que l’homme de l’autre côté de la pièce bouge. Il s’approche d’un buffet, lentement, m’observant cependant. Il bouge comme s’il s’attendait à ce que je le tranche en deux avec mon épée. Ce n’est pourtant pas l’envie qui m’en manque, mais je ne peux pas. Parce que mon but est de protéger Eodia, pas de la mettre en danger ou de lui faire peur.

L’homme ouvre un tiroir et il en sort un épais livre qu’il pose sur la table entre nous. Je m’approche pour le prendre, et la voix rauque de l’homme s’élève dans l’air.

- Partez maintenant.

Je soulève le livre et je me dirige vers Eodia, portant ma main sur son épaule pour la guider vers la sortie. Maintenant, nous devons rentrer pour aller au palais. Mais, avant ça, je vais passer dans la demeure où vit mon amie Niniel. Celle-là est en fuite pour éviter son affreux fiancé, et c’est avec plaisir que je l’héberge secrètement dans Edoras depuis quelques mois. Dans cette maison qu’aucun de mes ennemis ne me connait, je pourrais conserver l’ouvrage, et prendre le temps de l’étudier.