Enfin, nous étions tout près de notre premier but ; le cambrioleur. La Comté se rapprochait à grands pas et la plus part d’entre nous étions particulièrement excités à l’idée de rencontrer ce hobbit. D’après les dires de Gandalf c’était un être tout à fait exceptionnel et il nous tardait à tous de vérifier ses paroles – même si nous ne doutions absolument pas du magicien. Cependant, nous n’y étions pas encore. Non, là, nous avions trouvé bon de faire halte dans une taverne de Bree, afin de nous y reposer et de refaire le plein de vivres.
S'il y a bien une chose que tout le monde sait sur les Nains et qui est tout à fait véridique - et qui, contrairement à beaucoup de choses, ne relève pas du légendaire - c'est bien qu'ils adorent boire. Surtout de la bière. Par exemple, reprenons notre ami Gandalf. Il aime tout aussi bien que nous l'alcool mais aura dans son verre plus volontiers du vin que de la bière. Je pensais que c'était un truc de mage mais en rencontrant une certaine Lyra, je me rendis compte que ce n'était pas tout à fait cela. En effet, cette dernière, après avoir à peine fini son verre - qu'elle but tout de même cul-sec -, s'était écroulée à mes pieds, sans crier garde. Heureusement, nous avions eu plus de peur que de mal car, le lendemain, mise à part une gueule de bois effroyable, notre jeune magicienne se sentait plutôt bien.
La soirée bien entamée, je m'étais retrouvé plutôt joyeux, une énième pinte à la main, chantant et tapant du poing sur la table, accompagné de mes très chers compagnons nains. Une autre chose dont le monde entier peut être sûrs c'est que notre race aime particulièrement festoyer. Et ce n'était pas les gens présents ce soir-là qui allaient dire le contraire. Dans toutes les personnes présentes, j'aperçus une hobbite qui attira quelques instants mon regards. Ses longs cheveux de jais semblaient doux au toucher et elle avait des yeux tout particulièrement magnifique. Cependant, elle ne semblait pas tout à fait à l'aise, comme... embarrassée ou contrariée. Je souris béatement au vide, agrippai une pinte qui traînait là sur la table avant de m'élancer vaillamment à sa direction et de m'écrier « Hey jolie demoiselle hobbite, prenez cette pinte et joignez-vous donc à nous! » Oui, on dit aussi souvent des nains qu'ils sont avares et qu'il faut toujours leur arracher leurs biens si on les convoite mais à vrai dire, une fois qu'ils sont un peu saouls et joyeux, ils ne sont jamais contre le fait de partager leur bonne humeur et leur bière - tant qu'il en reste en suffisance, bien entendu.
Aludda était remontée jusqu'à Bree, pour prendre un peu de repos et peut être croiser Arabella pour discuter un peu avec elle. Une soirée qui se voulait conviviale en sorte. Elle sentit que celà n'allait pas forcément être son jour, car sur la route, elle eut le droit à des trombes d'eau qui l'ont assailli pendant une bonne heure. Son poney et elle furent bien heureux d'arriver à Bree et surtout à l'abris. (haha jeu de mots. Ok, je sors xD) Thora avait trouvé refuge avec les autres montures, et aussi du foin pour sa plus grande joie. Aludda avait pris ses maigres affaires et se dirigea vers la taverne. Elle s'annonça et demanda une chambre pour la nuit. On lui annonça que c'était le jour de congé d'Arabella et qu'elle n'était pas là. Ce n'était rien, elle allait quand même profiter de sa soirée. Au chaud avec à boire et à manger. Elle retira sa longue cape verte pour la faire sécher près du feu. La taverne était encore calme pour l'heure mais elle ne s'attendait pas à voir arriver une joyeuse bande de nains.
Elle avait sorti un vieux livre qu'elle avait emprunter à Bilbo -et qu'elle n'avait jamais rendu vous devez vous en douter- qu'elle appréciait beaucoup. Et celà lui rappelait un peu son grand ami qui lui manquait beaucoup. Ami qui ne répondait pas à ses lettres d'ailleurs... Elle s'en était voulu pendant longtemps. Leur dernière rencontre ne s'était pas bien passé et elle avait peut être dit des mots durs qu'elle n'aurait jamais dut lui sortir. Quoi qu'il en soit, ce livre lui rappelait sa présence, et elle ne le quittait jamais. Elle parcourait des yeux le livre dont la couverture était usée, quand la porte claqua et que cette joyeuse assemblée entra. La première réaction d'Aludda fut de lever les yeux au ciel. Peste soit les nains... Fini la tranquillité.
La soirée avança et Aludda en avait fini avec son livre. Ils faisaient bien trop de tintamarre pour qu'elle puisse se concentrer sur une seule ligne. En entendant certains excès de mauvaise attitude, -pour ne pas dire rot et autre gaieté en tout genre- elle ne cessait de se renfrogner et soupirer. Elle espérait que le serveur vienne à lui apporter son repas rapidement pour qu'elle puisse passer à autre chose.
Mais comme ce n'était pas son jour, elle remarqua un des nains qui la fixait avec un peu trop d'intérêt à son goût. Il détourna le regard plus d'une fois, mais rien n'y faisait, elle sentait qu'il allait bientôt s'écraser en face d'elle. Vu la démarche qu'il arborait, il avait déjà bien entamé sa descente. Ho Dieu ! Il ramenait deux choppes avec lui. Aludda ne put s'empêcher de le suivre du regard jusqu'à ce qu'il vienne se mettre en face d'elle. Il faut dire que pour un nain, il ne s'en sortait pas mal, mais là n'était pas la question. Il l'alpagua ouvertement, lui montrant qu'il apprécierait sa présence, ce qui n'était pas réciproque.
« Je vous savais sans gêne mais là, vous gagnez le premier prix, nain. De toute manière, vous êtes tous pareils: Vous faites semblant d'être amical et au final, vous venez pour mieux profiter des autres... Des manipulateurs. Vous attendez la nuit pour mieux poignarder vos pairs. »
Elle avait ses raisons. Une très mauvaise expérience avec un nain du nom de Cynewulf. Ho en fait c'était plus qu'une mauvaise expérience, il l'avait terrorisée en la forçant à travailler pour lui, sous peine de la réduire en silence pour toujours.. Depuis, elle se méfiait des nains, elle en avait même peur. Sa gorge se serra à l'idée de Cynewulf et son regard franc tressaillit et se baissa, elle eut peur un instant que sa franchise et son audace vienne à lui porter préjudice. Et si celà ne lui plaisait pas ? Comment pouvait il réagir à ce qu'elle venait de dire ? Elle ne reviendrait pas sur ses paroles pourtant. Elle referma ses petits doigts sur le couteau qui était sur la table par réflexe.
Vous connaissez cette sensation des plus agréables, cette sensation qui, d'un coup vous assaille, qui vous tombe dessus et vous assume d'un coup? Cette sensation qu'on appelle communément "se prendre une grande claque dans la gueule". Eh bien c'est exactement ce que j'étais entrain de vivre à l'instant. Je restai bouche-bée un fragment de secondes devant la demoiselle, sans trop savoir quoi faire. Fronçant les sourcils, je m'apprêtai à tenir un discours digne d'une réponse de nain à cette ingrate quand mes pupilles tombèrent sur les siennes. Subitement, son regard avait changé du tout au tout. Elle, qui m'avait semblée si sûre d'elle pour une demoiselle hobbitte, si déterminée, la voilà toute... fragile. Mes traits s'adoucirent peu à peu, en même temps qu'elle baissait ses jolies prunelles sur le sol de la taverne.
Un instant, elle me fit penser à moi. Attendez, je vous explique. Il était clair que cette jeune inconnue avait un sérieux problème avec les Nains, à voir le regard effrayé qu'elle venait d'avoir. Et aussi bizarre que ça puisse paraître c'était aussi mon cas. Non pas que j'avais un problème avec ma race - ce qui égalerait à être en guerre avec moi-même, à vrai dire - mais plutôt avec un des membres la formant. Y repenser retendit les muscles de mon visage mais j'y remédiai rapidement en pensant à autre chose - quelque chose de plus utile sur l'instant - ; comment faire changer d'avis cette hobbitte. Je ne pouvais pas me permettre de rebrousser chemin, la laissant sur une telle mauvaise impression. Déjà, parce que j'étais saoul - et qu'un nain saoul, ça ne s'arrête pas comme ça - mais également parce que c'était inamissible qu'elle pense cela de nous. C'était un gros ramassis de conneries, doublé d'un amalgame préjugé.
C'est donc tout naturellement que je posai les deux chopes sur sa table, remontai maladroitement mon pantalon avant de m'assoir juste à côté d'elle, déterminé. « Je ne suis pas d'accord. » commençai-je. Avant de me rendre compte que je n'avais strictement aucune idée de ce que j'avais envie de lui raconter. C'est vrai, qu'est-ce qu'on peut avancer comme argument face à une hobbite détestant si ouvertement les Nains? « Premièrement, je n'ai pas de poignard. » C'était pas vraiment digne d'un Nain, mais c'était un bon début. « Après, je ne sais pas ce qui vous fait dire de telles choses mais elles sont totalement fausses... Je peux vous comprendre. Ou pas. Je sais pas. Mais dans tout les cas, on est pas tous comme ça. Regardez-moi par exemple. » Je laissai un court instant de pause, me désignant avec mes deux mains, afin qu'elle puisse admirer à quel point j'étais loin de sa description. « Pourquoi est-ce que je viendrai près de vous si c'est pas pour partager une bonne pinte? » Je posai une main sur la table, m'appuyant dessus afin de me rapprocher d'elle. « Je n'ai rien à tirer de vous, donc c'est juste pour être sympa. Et puis, si j'étais vraiment un affreux et terrible nain, j'aurais déjà profité de la situation. » Je réfléchis à tout ce que je venais de dire. Cependant, avec un esprit s'épanouissant dans tant de vapeurs d'alcool, mes pensées n'étaient pas vraiment des plus lucides. Je finis par hausser les épaules et déclarer ces mots, en acquiesçant mes propres dires, afin de me montrer plus convaincant. « Vous d'vez être tombée sur le mauvais. J'suis déjà tombé sur des mauvais Nains, des mauvais Humains, des mauvais Elfes... Beaucoup de mauvais Elfes. » A cette pensée, je bus une grande gorgée d'alcool, contrarié. J'ai toujours détesté cette espèce hautaine un peu comme l'entierté de mes semblables.
Aludda gardait sa main sur le couteau, elle avait baissé les yeux et attendait la réaction du fameux nain. Mais la première phrase lui fit redresser tout de suite son nez d'un air plus que perplexe. Il n'était pas d'accord. Bien... De toute manière, il ne pouvait pas être d'accord sur ce qu'elle venait de dire... Vu qu'elle l'avait ouvertement insulté lui et ses pairs. Elle releva un sourcil quand il lui annonça qu'il n'avait pas de poignard. Elle se rappela rapidement qu'il devait faire allusion à sa petite expression "Se faire poignarder dans le dos." Elle était prise entre l'amusement et... elle ne savait pas trop en fait... Peut être un peu désespérée face au comportement qu'avait ce Nain en face d'elle. Du coup, elle garda une expression indéfinissable sur le visage. Il poursuivit... Aludda secoua la tête et leva les yeux au plafond. Il était totalement éméché celui-là pour le coup. Et ouais... En le regardant, il n'avait pas l'air bien vif avec tout l'alcool qu'il devait avoir dans le sang.
« Oui... Je vois... surtout que vous devez avoir bien entamé la soirée déjà. » Elle se râcla la gorge. « Ecoutez... Nain... Je... J'ai mes raisons et j'ai eu pas mal de problèmes avec vos confrères. Surtout un particulièrement sadique qui a tenté de me tuer pour tout vous dire. »
Quand il lui parla de la pinte qu'il lui avait ramené. Elle le croyait volontiers sur ce point. Et d'un côté il avait raison. Le type en face de lui n'avait pas l'air méchant, au contraire. Il arborait un visage ouvert et amical. Quand il eut terminé, elle laissa un temps en suspend puis soupira avant de dire:
« Peut être que vous avez raison, mais ce n'est pas en quelques secondes que je peux voir la réelle personne que vous êtes. Mais vous m'avez convaincu de vous laisser une chance à cette table. Ho qui plus est, je voulais vous dire: Ne me sous-estimez pas, j'ai parcouru bien plus de routes que la plupart de mes confrères, je suis loin d'être idiote. »
Sans s'en rendre compte, elle avait quitté des mains le couteau qui était posé sur la table et avait reposé sa main sur la couverture de son livre qui siégeait toujours sur le bois de la table. Pourquoi avait elle accepté qu'il s’assoit avec elle à sa table ? Vu l'état avancé de sa descente, elle craignait le pire. Peut être n'était il pas méchant, mais juste un peu... bouarf... incrédule ?
« Je pense que pour bien commencer, il serait bien d'entamer une discussion, non ? Votre nom ? Et puis je vous poser cette question: Que faites vous par ici ? C'est vrai... Les Nains ne grouillent pas dans le coin. »
Elle apporta la pinte qu'il lui avait donné vers elle et but une gorgé. Elle n'était pas prête à se rendre saoûle non plus, rassurez vous. De toute manière, ce n'était pas dans ses habitudes ou alors il lui fallait une très bonne raison. Et pour l'heure, elle restait encore bien trop méfiante vis à vis de son interlocuteur pour se laisser aller à cette soirée.
C'était bien ce que je pensais ; elle était tombée sur le mauvais nain. Je repensai à Saran, en entendant cette description et j'eus un frisson rien qu'à l'idée qu'il soit encore vie. Mais c'était absurde. Il était mort. Elle devait être tombée sur un autre mauvais nain... De toute façon, Saran, lui, l'aurait tué, s'il avait cherché à le faire. Donc, ce n'était pas lui. Donc, il était mort. CQFD. Bien qu'en fait, elle me mit en garde sur ses capacités. « Loin de moi une telle pensée! » Lâchai-je comme toute réponse ne m'essuyant maladroitement la main gauche sur mon torse - je venais de l'arroser avec le contenu de ma propre pinte. En effet, elle n'était pas idiote, elle avait bien remarqué que j'avais bien entamé la soirée pour reprendre ses mots.
Je ne pus réprimander l'immense sourire qui vient éclairer mon visage quand elle m'accorda une chance ultime de lui faire passer cette mauvaise impression qu'elle avait de nous. J'étais aux anges. Mais j'étais en même temps sous une pression extrême ; il ne fallait pas faillir. Il fallait que je sois digne d'un nain, et surtout, que je ne la terrorise pas d'avantage - mais je doutais fort que je puisse faire pire. Elle suggéra de commencer par les bases ; présentation, tout ça. C'est donc, joyeusement, que je lui répondis, d'une voix forte dont j'avais du mal à doser le volume, l'alcool embrouillant mon système nerveux. « J'm'appelle Kili. J'ai un frère qui s'appelle Kili. Non Fili. Kili c'est moi » Je ris de ma propre faute - pour ne pas dire débilité - avant de continuer, un peu plus sérieusement. « On est les deux plus jeunes mais on se laisse pas faire, ah ça non! » M'emportant, je tapai du poing sur la table, à la manière de tout bon nain déterminé et, accessoirement, éméché. « Et si on est ici... » Je levai l'index vers le plafond, la détermination se lisant sur mon visage, pendant que je cherchais les mots justes. Qu'est-ce que Thorin avait dit? Ah oui. « On vient chercher le plus grand cambrioleur de tout les temps ; Bilbo... » Je fus coupé dans mon élan par un trou noir venant assaillir vicieusement ma mémoire dans un moment crucial. « Bilbo.. Se.. So... Soquet? » Les sourcils froncés, je cherchai quelques instants avant de reprendre, d'un ton plus assuré que pendant mes recherches. « C'est le plus grand cambrioleur que le monde ait connu et nous avons besoin de lui, ainsi, nous allons lui proposer de rejoindre notre vaillante compagnie afin de rendre aux Nains ce qui leur appartient. » J'étais particulièrement fier de moi ; je venais de raconter ce qu'on était entrain de faire ici, sans pour autant donner trop de détails. Thorin n'aurait pas à m'engueuler ; je n'avais pas cité Erebor une seule fois. Mais bon, où j'en étais, j'étais loin de me douter que cette jeune hobbite tâcherait d'avoir assez de jugeote pour comprendre de quoi je parlais. Et dans ce cas-là - ce qui était, en effet, le cas - Thorin aurait de quoi se taper la tête contre le mur, après en avoir fait de même avec la mienne.
Aludda a décidé de donner la chance de racheter la faute d'un membre de son peuple. Et puis, il n'avait pas bien l'air méchant, il faut l'avouer. C'était pourtant plus fort qu'elle, Cynewulf avait laissé une empreinte très forte sur elle et on pouvait surement parler d'avoir eu un traumatisme vis à vis de lui et de tous ceux de son espèce. Aludda se contenta d'une gorgée avant de lui demander de se présenter. Alors il s'appelle Kili et il a un frère qui... La demoiselle haussa les sourcils, et ne put s'empêcher de sourire un peu. Il est clair que ce nain avait le don de la détendre au final. Elle décida de lui donner son prénom en nouvelle information. Peut être allait elle s'amuser au final.
« Ho ! D'accord Kili ! Mon nom est Aludda. »
Peut être reviendrait-elle sur ses propos. Elle regarda le dénommé Kili se battre avec ses mots qu'il n'arrivait pas bien à formuler ou alors dans un sens tout à fait contraire. Il tapa alors d'un coup sur la table ce qui fit sauter l'échoppe d'Aludda qui faillit bien lui tomber sur les genoux. Elle attrapa alors son verre et elle se décida à boire un peu plus. Quand la phrase de son interlocuteur vint à dérailler sévère sur un nom qu'elle fut plus que surprise d'entendre. Elle recracha la gorgé sur l'homme en face de lui alors qu'elle manqua de s'étrangler. Soit il était tellement bourré qu'il avait dû faire erreur sur la personne ou... Non, ce n'était pas possible. Elle toussota un instant avant de se reprendre et de dire d'un regard larmoyant et étonné.
« Pardon... Je... »
Il avait dû se tromper... Non... Elle fronça les sourcils et ferma les yeux, elle se mordit la lèvre pour ne pas se mettre à rire comme une idiote, mais celà ne serait tarder de toute manière. Il n'y avait qu'un seul Bilbo Sacquet ou Socquet ou... Enfin pour dire qu'on ne pouvait pas se tromper sur l'identité du Hobbit qu'il venait de nommer. Le doute s'installa plutôt sur tous les qualificatifs qui accompagnaient ce nom.
« Bilbo Sacquet vous voulez dire, je présume ? Mais je crois qu'on vous a mal renseigné. »
Elle ne put s'empêcher de revoir son ami dans son petit fauteuil douillet mais de là à le voir sur les routes à traquer je ne sais quoi avec ce nain si peu... conventionnel... Et ce fut là qu'elle ne put s'empêcher d'éclater de rire. Après quelques secondes à se reprendre elle dit pour se justifier.
« Je vous rassure, je ne me moque pas de vous... Je vous souhaite surtout bonne chance avec Bilbo. Bien que je donnerai n'importe quoi pour voir une bande de nains débarquer dans son salon et lui dire... ce que vous venez de me dire. Je pense qu'il en sera... incroyablement flatté. »
Elle jouait sur l'ironie de la phrase mais ne voulait pas avouer à ce nain qu'il allait avoir de la peine à le faire sortir de Cul-de-Sac. Elle y a bien tenté, il y a des années de celà et pourtant elle le connaissait bien. Elle leva son verre pour trinquer et elle but une grosse gorgé histoire de calmer ses idées. Il fallait avouer que Bilbo Baggins et ses airs naïfs lui manquaient. Il lui manquait même beaucoup. Elle posa de nouveau sa main sur le livre qui était resté près d'elle sur la table. C'est étrange quand même...
S'il y avait bien une chose à laquelle je m'attendais pas ce soir c'est à ce qu'on me crache dessus. Je ne compris pas ce qui m'était arrivé. La demoiselle hobbite qui, tout doucement, commençait à comprendre qu'on était pas tous d'affreux bourreaux, nous, les nains, venait de recracher la gorgée de bière qu'elle venait de prendre dans sa chope. Je la regardai, bouche bée, le visage dégoulinant de ce précédent affront, sans savoir quoi faire. Pourquoi? Ah ça, c'était la grande question. Et ce n'est pas ce soudain fou rire qui allait éclairer ma lanterne. Je piquai la serviette qu'on avait posé sur la table pour elle afin de m'essuyer le visage, tout en l'observant se tordre de rire pour une raison que j'ignorais totalement. Est-ce qu'elle était entrain de se moquer tellement ouvertement de moi qu'elle avait trouvé juste de s'excuser? J'étais un peu irrité par la situation, les traits tendus par l'incompréhension.
Puis, elle dit le nom que je cherchais précédemment ; Bilbo Sacquet. Alors, elle le connaissait. Mais ça n'expliquait pas ses précédents agissements. Mon visage se détendit un peu mais je penchai légèrement la tête vers le côté, en signe de questionnement. Pourquoi diable nous aurait-on mal renseigné? C'était de Gandalf qu'on tenait ces informations, elles ne pouvaient être que bonnes.
Cependant, les paroles qu'elle ajouta - et l'alcool aidant - me firent oublier ce précédent petit affront. Alors comme ça, elle ne se moquait pas de nous. Fort heureusement. Nous n'étions pas tous des bougres mais ça ne signifiait pourtant pas qu'on se laissait marcher sur les pieds. « Vraiment? Vous croyez? » Alors... en plus d'être un fin cambrioleur, il restait humble? Enfin, c'est ce que je supposai. Parce qu'en tant que grand professionnel, il devait connaître ses capacités alors, il devait avoir de quoi se vanter. Mais quelque chose d'autre me vint à l'esprit. « Oooh, mais vous le connaissez alors! » ajoutai-je, joyeusement et plein d'entrain. C'était tout simplement incroyable! Justement, je croisai quelqu'un qui connaissait ce fabuleux hobbit. C'était formidable.
La discussion devenait surprenante a vrai dire. Elle ne s'attendait pas du tout à ce que ce nain lui parle de Bilbo comme celà. Qu'il le cherchait et encore moins de ce qu'il attendait de lui. Oui, la discussion prenait vraiment une direction surprenante. Aludda ne pouvait que s'amuser. Elle eut raison de lui dire qu'elle ne se moquait pas de lui, elle préférait d'ailleurs. Elle se trouvait toujours prudente face aux nains. Elle qui n'avait peur de rien normalement, s'était vraiment découverte une bête noire sur les terres du milieu. Le dit Kili semblait croire au fait que Bilbo soit vraiment le meilleur des cambrioleurs. Elle ne répondit pas à son exclamation et lui rendit finalement un sourire simple mais amusé.
Elle le connaissait ? Bien entendu qu'elle le connaissait. Elle était même la personne la plus a même à le connaitre. Bien plus que n'importe qui... Quoi que... Sa dernière rencontre restait en travers de la gorge de la jeune femme. Non, elle ne le connaissait pas si bien que ca au final. Elle finit par secouer la tête et soupirer.
« Oui, je le connais. Ou plutôt je pensais le connaitre... J'ai été un peu déçu de lui la dernière fois que je l'ai vu. » Elle fit une courte pause, carressant légèrement le cuir de la couverture de son livre avant d'ajouter. « Faites attention. Bilbo Sacquet a cette fâcheuse tendance à décevoir les gens, j'espère quand même que vous ne le serez pas, quelque soit votre quête. Mais ne vous attendez pas à monts et merveilles en allant frapper à sa porte. »
La déception restait omniprésente en Aludda depuis ce jour fatidique où elle partit et claqua la porte derrière elle. Kili risquait de vivre la même chose que ce qu'elle avait vécu. Moins difficilement bien sûr, car pour elle, Bilbo était son ami d'enfance, son confident, celui sur qui elle avait pu compter chaque jour... Enfin... Pas ce jour là. Et maintenant celà faisait prêt de vingt années qu'elle se trouvait à vagabonder la terre du milieu mais en vain, elle gardait en elle un vide qu'elle n'arrivait jamais à combler. A cette pensée, elle but une grosse gorgé de son breuvage. Autant boire, si c'est pour ressasser de mauvais souvenirs.
« Que la vie est étrange. On pense ne plus jamais revoir une personne et on croise quelqu'un qui part à sa rencontre. Comme tout ce qui se passe autour de moi. Oublier. Je voudrai bien, mais je ne peux pas, et c'est à croire que le passé ma rattrape. Cet idiot finira surement par me faire tourner bourrique. »
Elle avait envoyé des tonnes de lettres à Bilbo malgré le fait que la dernière chose qu'elle lui ait dites fut: Tu ne me reverras plus jamais de ton vivant. Elle n'avait pas pu s'en empêcher, car il lui manquait et il était son plus grand ami. Mais il ne lui a jamais répondu et celà, elle le supportait mal. Très mal. A croire qu'il se fichait éperdument d'elle. Bien entendu, elle ne se doutait pas que sa mère était fautive du fait que la correspondance n’atteignait jamais le destinataire. Immense quiproquo qui fait tourner la situation vinaigre.
« Pardon. Je m'emporte... Ce sont des choses que je ne devrai pas dire et surtout, je ne voudrais pas vous casser dans vos élans. »
Il n'était pas si mauvais ce bougre malgré tout. Peut être se trompait elle sur eux finalement ? En tout cas, Kili semblait plus bon vivant et amical que tueur sanguinaire.
Plus j'écoutais attentivement les dires de la hobbite, plus je fronçais les sourcils. Apparemment, ils n'étaient pas en bons termes. Du coup, elle n'était absolument pas objective vis-à-vis des capacités de ce Bilbo Sacquet. C'est ce que je me dis, plus ses paroles avançaient. J'ignorais si je devais réellement écouter sa mise en garde ; je ne connaissais rien de Bilbo. D'ailleurs, à vrai dire, je connaissais peu de choses des Hobbits. Je savais qu'ils étaient plus petits que nous, les Nains. Qu'ils n'aimaient pas trop les étrangers - je tenais cette information de Azalyra - et qu'ils pouvaient se rendre très discrets - ceci, venait de Gandalf. J'étais presque déçu par ses propos, m'attendant à une autre description de l'être avant de me rendre compte qu'autre chose me tracassait ; j'avais été tellement heureux de voir se dessiner un sourire sur les lèvres de cette hobbite si hostile envers les nains que je me retrouvais embarrassé de la voir à nouveau si sombre. Qu'importe ce que lui avait fait ce hobbit, en tout les cas, il semblait lui avoir causé beaucoup de peine. Mais, ne connaissant pas la véritable situation, je me dis qu'elle devait sûrement y avoir mis du sien.
Mon visage se ternit à son tour en entendant les paroles qu'elle prononça ensuite. Comme elles étaient tristes. Les épaules légèrement affaissées, je fixai le vide avant de l'imiter en buvant une grande rasade de bière - bien que j'aurais peut-être dû évité vu le taux d'alcoolémie que mon sang avait déjà atteint. Mais je relevais le regard vers elle quand elle me présenta des excuses. C'était tout à fait cela ; elle venait d'anéantir mon élan et c'était pourtant chose difficile avec moi. Cela l'était tant que je repris rapidement du poil de la bête en lui adressant un petit sourire se voulant rassurant. « Peut-être est-ce que... » Je cherchais un instant mes mots en fixant le plafond. « Ce sera différent. » Mon regard se posa sur mes compagnons et plus particulièrement sur Thorin. On ne pouvait pas dire non à mon oncle. Il était trop déterminé et charismatique. En tout cas, de mon côté, c'était totalement impossible - il fallait dire que je lui étais entièrement dévoué.
Ce précédent échange avait installé comme un petit malaise et je pris l'initiative de le chasser de là. Je remarquai qu'elle tenait auprès d'elle un livre à la couverture de cuir plutôt usée. Si j'avais prêté un peu plus d'attention à ses mains un peu plus tôt, j'aurais remarqué qu'elle l'avait caressé en parlant de ce fameux Biblo Sacquet mais je n'étais pas vraiment apte à observer de telle choses. « Qu'est-ce que vous lisez? » Demandai-je, un nouveau rictus pendu aux bouts des lèvres, désignant l'objet d'un signe du menton. Curieux, je me dis que sa lecture ferait un bon sujet de conversation pour changer de sujet. Et pourtant, je devais avoir tellement tort.
Peut être Aludda en avait elle aussi trop dit de son côté. Quoi qu'il en soit, elle remarqua bien que Kili n'eut plus beaucoup d'entrain d'un coup. Elle s'en excusa, mais pouvait elle s'excuser de celà ? Après tout, ce n'était pas de sa faute si son passé avait été un fiasco et que les gens qu'elle avait aimé, l'avait profondément déçut. Puis Kili prononça quelques mots un peu maladroit, mais qui restaient pleins d'espoir. Aludda eut un sourire triste. Changer ? Oui... Et peut être pas dans le sens qu'elle le voudrait... Enfin, c'est ce qu'elle pensait. Bilbo n'avait pas toujours été comme ca. Il avait été un Hobbit qui courrait les bois à la recherche d'elfes. Le nombre de fois où ils se faisaient taper sur les doigts, parce qu'ils oubliaient l'heure et qu'ils restaient un peu trop longtemps à vagabonder dans les environs, revenant souvent dans un triste état: couverts de boue, de broussaille, les cheveux en bataille. Mais ce passé était loin derrière maintenant... Comment avait il pu changer à ce point ? Comment était-ce possible ? Elle leva le menton vers Kili et ajouta:
« Vous avez peut être raison... Mais je ne veux plus être déçu, alors je préfère imaginer le pire. Il n'y a pas meilleure surprise que celle qui vous rend heureux. »
La surprise pouvait elle encore venir ? Un revirement de situation ? Un Bilbo d'enfance qui reviendrait à la charge ? C'était trop utopique au final. Un silence lourd s'installa. Oui, la situation était au malaise. Kili changea pourtant habillement de sujet. Le livre qu'elle tenait fermement. Car oui, elle ne l'avait pas lâché durant toute cette discussion. Kili ne savait pas qu'il était aussi un lien direct avec toute ces histoires.
« Ho ! Ca ? C'est un livre de contes... Un peu enfantin, mais j'y suis attachée. Ca me rappelle un peu chez moi et les histoires qu'on pouvait se raconter quand on était enfant. Pour tout vous dire, il est tellement vieux et abîmer qu'il y a certaines pages qui ont pris l'eau et qui ne sont plus visibles. Je devrai le jeter et m'en trouver une autre édition. »
Si il ne lui était pas appartenu. Ses doigts ne se détachèrent pas de sa couverture pour autant à cette phrase. Pourquoi ? Pourquoi celà la pourchassait tellement ? Elle avait un peu la tête qui tournait. L'alcool devait faire son effet. Elle ne se sentait pas bien mais elle n'était pas du genre à craquer devant tout le monde pour... si peu.
« Je... Heu... Excusez moi un instant. Je crois que... que... j'ai besoin de prendre l'air. Je ne tiens pas bien l'alcool pour tout vous dire. »
Une excuse comme une autre après tout. Elle se leva en se forçant à sourire, tout en prenant son livre. Elle se dirigea vers la devanture de l'échoppe. L'air extérieur, bien que froid, était revitalisant. Elle respira un grand coup tout en s’appuyant contre le mur de pierre, tout en serrant le bouquin contre elle, comme si il allait lui ramener un peu de chaleur.
L'idée que j'avais eu de parler de ce bouquin me sembla admirablement bonne ; si bien que je m'étais fièrement redressé, comme si mon initiative relevait presque de l'héroïsme. Je n'aimais pas quand les gens autour de moi semblaient tristes et résignés, si bien qu'il me sembla normal de tenter de réconforter la demoiselle se trouvant en face de moi. Nous ne nous connaissions pas, et j'avoue que cela aurait pu être le dernier de mes soucis qu'un cambrioleur hobbit ait pu lui causer du tort mais j'étais depuis longtemps connu pour ma tendance à être convivial et proche de n'importe qui. J'avais presque un don pour réussir à me lier d'amitié avec les inconnus, ma nature enjouée spontanée jouant beaucoup. J'écoutai attentivement sa réponse, attendant d'elle qu'elle se change les idées et que notre conversation vienne s'illuminer d'un peu de gaieté mais ses mots ne furent pas ceux que j'avais espérés. « Oh, non, j'adore les contes et à vrai dire, les plus vieux livres sont ceux avec le plus d'âme. » Lui répondis-je en hochant vivement de la tête ; c'était tout à fait véridique. Etant le plus jeune des nains de la Compagnie, chacun d'entre eux avaient au moins une fois dû me conter une histoire, quelle qu'elle fut, notamment à cause de l'insistance légendaire avec laquelle je les assaillais quand je désirais entendre un récit de leur bouche. Celui qui m'en avait le plus racontées était sans aucun doute Thorin, qui à défaut d'avoir été un père, avait pris sa place à merveille. Il n'était que mon oncle mais à mes yeux, il était mon modèle, celui que, toujours, je suivrai.
Aludda n'eut certainement aucun mal à voir l'étonnement sur mon visage quand elle s'excusa avant de s'éclipser, de la même manière qu'elle n'avait pas pu rater le soupçon de déception qui était venu se coller sur mes muscles faciaux. Eh bien quoi, ma présence la dérangeait-elle tellement? Ah, je devais encore avoir dit quelque chose de maladroit... A moins que ce ne soit le simple fait d'avoir cité le nom de Bilbo Saquet qui la mettait dans un tel état. Dubitatif, je l'observais disparaître de l'établissement avant de soupirer longuement. Je fixai sans grande conviction ma choppe avant d'hausser les épaules et d'y boire un coup. Ce fut un Fili aussi éméché que moi qui vient me tirer de la torpeur dans laquelle cette soudaine disparition m'avait plongé ; « Qu'est-ce que tu fiches? Rien de grave, j'espère. » Son rire que je connaissais si bien vient éclater dans la salle, se mêlant à celui de ceux que je considérais comme mes frères. Je lui souris avant de lui répondre, très convaincant. « Jamais! » Jamais, non, jamais je ne faisais la moindre bêtise. C'était un non-sens hors du commun tellement il sonnait faux ; j'étais de loin, le plus maladroit des Nains, si bien que je me fourrais souvent moi-même dans des situations plutôt cocasses. Bien heureusement pour moi, en ce jour, aucun de mes confrères n'avaient remarqué de quoi j'avais parlé avec ma compagne d'une soirée ; le cambrioleur. Notre quête était secrète. Ma discrétion était donc fortement à blâmer. « Mais... je reviens. » En entendant ces mots, le blond me lança un regard interrogateur avant de froncer les sourcils. Je lus alors dans son regard que j'avais intérêt à me tenir à carreaux, quoique que je fasse à l'instant. Mais il finit rapidement par m'adresser une petite tape fraternelle sur l'épaule avant de retourner vers nos amis en fredonnant un joyeux chant.
Aussi doucement que l'alcool me le permettait, j'ouvris la porte de l'auberge avant de la refermer tout aussi délicatement. Je cherchais du regard la silhouette de la hobbite avant de rapidement la trouver ; je lui offris alors un des plus beaux sourires que j'avais en réserve. « Je suis désolé si je vous ai embarrassée. » lui déclarai-je en m'approchant d'elle, sans brusquerie mais toujours avec cet air enjoué qui me caractérisait si bien. J'étais le nain le plus joyeux de toute la compagnie, mon optimisme démesuré allant même parfois jusqu'à désespérer certains de mes confrères. Je vins me placer juste à côté d'elle avant d'observer le ciel, frissonnant légèrement à cause de la température ayant fortement chuté. « Vous devez avoir raison... La vie est parfois bien étrange. » dis-je en continuant de scruter la voûte céleste, plongé dans quelques pensées profondes. Je songeais à notre quête, son but, ses raisons... et à Smaug. En observant la hobbite, je me demandai que pourrait bien faire un être de son espèce face à un dragon. J'étais bien placé pour savoir que la taille était souvent trompeuse mais... un dragon. Un cracheur de feu, un avaleur de monde, un monstre! Mais il fallait que je cesse de penser de cette façon ; ça ne me ressemblait pas et, tout compte fait, nous n'y étions pas encore. « Mais le contraire serait surement ennuyeux. » Cette fois-ci, je me tournai vers mon interlocutrice en prononçant ces mots, un mince rictus pendu au bout des lèvres, ce petit éclat lumineux d'espoir rayonnant au fond de mes prunelles.