«Esprit de famille»
Dis & Fils
Le souffle écourté par la course que je menais, les cheveux virevoltant dans la brise printanière, les jambes cavalant comme si ma vie en dépendait, je souriais. Le temps était radieux à cette saison et ce n'était que pour me plair ; sentir les rayons du soleil doucement me caresser la peau était un des plaisirs de la vie que je chérissais. Les petites choses simples qui font de notre existence, quelque chose d'agréable. D'ailleurs, j'en faisais moi-même parti ; j'étais petit - étant un nain, le contraire vous aurez étonné - et plus simple que la plus part de mes confrères. Peut-être était-ce parce que la vie m'avait épargné ce qu'ils avaient dû enduré. Je ne souffrais que des conséquences de ces terribles évènements qui avaient ponctué leur existence, pendant qu'eux, en cauchemardaient encore la nuit. Cette situation était d'ailleurs parfois source de peine pour ma personne ; quand je voulais les comprendre, les aider, certains me répondait que je ne savais pas de quoi je parlais, que je ne pourrais jamais comprendre. Peut-être bien. Mais pour le moins, j'essayais. Et c'était déjà là une preuve de courage.
Vous devez sûrement vous questionnez sur la raison de mon empressement ; eh bien il n'y en avait aucune. Aucune de valable à vos yeux de grands adultes préoccupés. Pas que je ne l'étais pas, bien au contraire, juste que je le montrais très certainement moins que la majorité des personnes peuplant cette terre. Dans ce monde maussade, il fallait bien un peu de couleurs, de joie, d'optimisme. Et c'était fatalement tombé sur moi ; qui d'autres que ce jeune nain le ferait mieux? Bien sur, il y avait mon frère, Fili. Mais lui, avait ce sérieux, cette conscience que beaucoup regrettaient que je ne possède pas. Mais en y repensant, je ne voyais pas pourquoi je devais m'en faire. Certes, j'étais terriblement attristé du sort de mes semblables, des miens, de la perte de ma si grande famille, de mon sang... Tout cela serrait mon petit coeur au fond de ma poitrine, rendant le coin de mes yeux humides, pâlissant ma mine défaite. Mais je suivrai Thorin et mes frères dans leur quête, au-delà de tout, plus loin encore s'il le fallait. Et il était formidable comme je ne m'en faisais pas ; non, ma confiance aveugle ne m'ordonnait pas de m'inquiéter, elle me murmurait juste de suivre vaillamment cet homme, sans poser de question si ce n'est "Que puis-je faire pour me rendre utile?". Voilà ce que je voulais être. Me montrer vaillant et loyal et une fois revenu, que mon nom résonné aux oreilles du peuple comme celui d'un héros.
Néanmoins, à cet instant précis, j'étais loin de toutes ses pensées. J'avais juste trouvé malin - ou plutôt drôle - de chiper la pipe de mon frère, partant en courant afin qu'il me suive. Juste un geste spontané et irréfléchi, comptant juste sur ce grand frère pour qu'il reste à mes côtés, feignant au moins de rentrer dans mon jeu. Alors donc, est-ce valable comme réponse raisonnable? Sûrement pas en temps que prince nain de la lignée du Durin âgé de septante-cinq années. Et c'était la toute la magnificence de mon être ; je ne m'en souciais guère.
Cependant, quand, non loin, j'aperçus notre mère, je freinai, me coupant dans mon élan, dérapant un peu dans cet arrêt brusque. Je lui fis signe en lui accordant un merveilleux sourire - un de ceux que les fils réservent à leur mère - avant de m'approcher d'elle, oubliant presque ce frère - mais jamais, je ne l'oubliais, non. Je savais pertinemment bien qu'il me suivait. Il l'avait toujours fait. Il n'allait pas s'arrêter maintenant, sans aucune raison valable. Parce qu'il était mon frère. Même bien plus que cela. Il était à mes yeux, plus que ma propre vie, plus que tout mon être - même si en vérité, il faisait
partie de moi. Il avait toujours veillé sur ma personne et je faisais de mon mieux pour en faire autant.
Encore un peu essoufflé, je me postai juste en face de cette tendre et chère mère, posant les mains sur les hanches avant d'hausser les épaules. Je regardai d'un air rêveur le ciel dévoilant sa beauté azure avant de reporter mon attention sur la sublime naine se trouvant à mes côtés - à mes yeux, elle était la plus jolie créature qu'ait porté le monde. «
Jolie journée, n'est-ce pas? » Finis-je par lâcher, d'un ton léger, ce large rictus ne lâchant pour rien au monde les traits de mon visage éclairé par la joie.
créée par Matrona