Arwen & Galadriel
Assise devant ma fenêtre, je laisse mon regard dériver sur l’or liquide qui inonde la forêt chaque jour au lever du soleil. Mes doigts caressent le plumage de l’oiseau qui vient de m’apporter la nouvelle de cette invitation en forêt noire, sans pourtant me préciser qui m’attendra ni même qui m’envoie cette lettre. Serait-ce Elladan ou bien Elrohir ? Voilà un moment que je n’ai vu le premier, et si le second passe me rendre visite de manière régulière, j’avoue que lui non plus ne vient pas assez souvent. Il préfère le climat du sud et les longues chevauchées dans les plaines du Rohan en compagnie de ces gens simple qui lui font oublier son rang et le poids des responsabilités qui lui pèsent sur les épaules. Pourtant, Elrohir semble le plus à même de prendre la suite d’Elrond à mon sens, car même s’il a été profondément blessé par le départ de sa mère pour les contrées de Valinor, il a su faire de cette blessure une force. C’est une chose que je lui envierais toujours, je crois, car la simple mention du nom de ma fille me fait entrer dans une colère noire, toujours placée contre ma propre personne, mais que mon interlocuteur n’arrive jamais à comprendre. Cependant, le jour où je prendrais le bateau pour la rejoindre est loin d’être arrivé, il me reste encore de nombreuses choses à accomplir en ce monde avant.
Curieuse, j’enfile un long châle gris sur mes épaules et je laisse mes pieds nus me guider vers le sol. Je descends des plates formes suspendues les unes après les autres pour finalement sentir la fraicheur de l’herbe sous mon pied. Oh, j’aurais pu attendre. Peut-être même aurais-je du. Quelques jours de chevauchée, ce n’est rien et ensutie je serrerais certainement quelqu’un qui m’est cher dans les bras. Ou alors mon cœur se pincera dans cette déception que je cacherais derrière un masque de froideur et de distance durant les premières minutes de l’échange. Oui, j’aurais pu attendre. Ou alors, je peux utiliser ce don qui habite en moi depuis ma plus tendre enfance, et verser de l’eau dans mon miroir. Ainsi, j’aurais le temps de me faire à l’idée, quelle qu’elle soit.
Mon pas lent me guide vers ma clairière, et je passe devant le garde qui la protège avec un sourire et un signe de tête en guise de salutations. Il s’incline légèrement devant moi et reprend son visage impassible. Cet endroit est dangereux pour celui qui ne possède pas mes dons, car n’importe qui peut voir l’avenir dans ce miroir. Cependant, seuls ceux qui ont un esprit avisé peuvent comprendre les images sans être frappé d’une folie lente qui va les ronger de l’intérieur. Je commence par m’arrêter devant la petite source et y plonge mes mains pour me rafraichir. J’attrape ensuite la cruche en argent disposé à côté et je traverse la clairière pour arriver devant le miroir, simple disque d’argent disposé sur un socle de pierre. L’eau versée dans la coupelle, je me penche en avant et je plonge dans les visions, cherchant à attraper celle qui m’intéresse.
Je recule, brutalement, m’arrachant à des images que je ne souhaitais pas voir. Des images d’un futur lointain et possible où le monde serait couvert de flammes et de sang. Je serre les poings le long de ma chemise de nuit beige et je ferme les yeux. J’ai obtenu ma réponse, mais à quel prix ? Je secoue lentement la tête de droite à gauche, renverse l’eau de la coupe et repose la cruche à sa place. Je quitte ensuite les lieux, avec le besoin de m’isoler pour réfléchir à ces visions. Mon pas me mène vers les appartements d’Arwen, et j’y entre avec un sourire, sans prendre la peine de frapper.
- Et si nous partions en forêt noire pour la nuit des étoiles ?