Can we have this dance? ✖ Thoniel

En héritier d’un domaine comme Dunharrow, il n’est pas rare que je doive voyager pour me rendre dans des terres que je ne connais pas. Âgé de dix-huit ans à peine, je devais jouer les ambassadeurs pour Père et le Rohan. Le poids de mes responsabilités écrase mes épaules, et j’espère réellement bien faire les choses, et surtout ne pas faire honte ni à ma famille ni à mon roi. Alors, voilà. Je me trouve là, un sourire sur le visage, entouré de musique, de danseurs, dans ce monde étrange, et je ne suis pas tout à fait certain de savoir quoi faire, moi. Installé sur un siège, je tiens une cuisse de poulet dans ma main, et un verre de vin dans l’autre, et je fais la conversation à… Je n’ai absolument aucun souvenir de son nom, en fait.

Je termine ma cuisse de poulet, et je me lève, après m’être incliné devant l’homme. Je m’éloigne vers les fenêtres après m’être lavé les mains dans une cuve dédiée à cet effet. Non, vraiment, les fêtes ne sont pas un endroit pour moi et je n’ai réellement pas envie de m’y retrouver coincé comme ça. Cependant, je n’ai pas le choix. Je n’ai vraiment aucun moyen d’y échapper : ces gens ont fait tout ça en mon honneur, et je n’ai réellement aucune envie de faire un faux pas. Je finis, au gré des conversations et des échanges, par arriver proche d’un coin où se tient une demoiselle, un air étrange sur le visage.

- Bonjour, damoiselle. Permettez que je me cache par ici moi aussi ?

Ou alors, j’aurais peut-être dû l’inviter à danser. Il est pour moi ce banquet, après tout. Je devrais au moins faire semblant de m’y sentir bien, hein ? Ne serait-ce que pour Père. Je m’incline légèrement devant la demoiselle, et je lui tends ma main.

- Je ne sais qui vous êtes, mais peut-être pourriez-vous m’apprendre quelques-uns des pas de danse de cette contrée ? Je suis Thodir de Dunharrow.

Quel ennui ce banquet ! Je n’ai jamais, jamais aimé ça, même si j’avais grandi entouré de ce genre de faste, j’avais toujours préféré la simplicité d’un feu de camp avec mes hommes. Alors, être obligé de faire comme si j’étais touché que tout cela soit organisé pour moi… Mouais. Je suis un bon acteur, mais peut-être pas à ce point. Enfin, passons. A la première occasion, j’ai réussis à m’esquiver de la grande table et je me dirige vers une demoiselle que j’ai repérée depuis un moment. Je ne sais ni son nom, ni son rang, mais elle semble être aussi peu à sa place ici que moi. Enfin, non. Disons qu’elle me donnait plus l’impression d’avoir, comme moi, envie de s’enfuir à toutes jambes de cet endroit. Certainement qu’elle devait préférer la compagnie des livres à celles des gens, alors que moi je suis plus proche de mon cheval que des hommes.

Enfin, toujours est-il que je l’interpelle, une pique amusée sur les lèvres, et qu’elle me répond sur le même ton que moi, ce qui me tire un sourire et un signe de tête avouant ma défaite.

- Oh, vous savez, je n’ai jamais été très banquets. On y parle, de choses, et d’autres, et tout le monde y reste sur des gardes, se pavane, tente de faire le moins de faux pas possible… Non, vraiment ce n’est pas pour moi. Je suis bien trop entier pour ça.

Serait-ce une critique de ces gens ? Non, pas vraiment. Plus une critique de la société. Quel que soit le pays dans lequel on se trouve, c’est toujours la même chose : on se tortille pour arriver à jongler entre tous les masques et toutes les flagorneries qu’on doit faire pour arriver à ses fins, et moi, eh bien, ça m’ennuie au plus haut point. Je ne supporte pas le léchage de botte.

Quoi qu’il en soit, je finis par inviter cette demoiselle à danser. Quitte à s’ennuyer, autant le faire à deux, non ? Et, même que ça s’appelle se désennuyer quand on est deux (enfin, presque.)

- Enchanté, misse Theodoras.

Je m’incline légèrement devant la demoiselle, qui finit par me prendre la main pour m’entrainer. S’il faut se laisser aller, comme elle me le dit si bien, alors je vais tenter de le faire et je me laisse donc bercer par musique rapide, tournoyant quelques minutes avec elle, avant de demander grâce en riant au changement de musique, encore plus rapide.

- Bien, bien. Et si je vous offrais un verre ?

Oui, bon, elle est plus chez elle que moi. Mais c’est une manière comme une autre d’inviter la demoiselle à discuter et à oublier un peu les regards qui nous ont suivis, car loin de ne pas les voir, je les ai remarqués. Allons-bon. Ai-je offusqué quelqu’un en tentant de distraire cette demoiselle – et moi-même par la même occasion ?

- Je n’ai pas l’habitude de danser, et l’entrainement à l’épée n’utilise pas du tout les mêmes muscles. Je vais être fourbus demain.

Un sourire sur les lèvres, j’écoute la demoiselle m’avouer sans détours qu’elle n’aime pas plus les banquets que moi. Oui, il est vrai que je ne suis pas à ma place, et que je ne l’ai pas été depuis longtemps. Désormais, je dois faire attention à chacun de mes pas, à chacun de mes actes, et le moment lointain où j’ai apprécié d’observer le balais des adultes lors de ces soirées n’est plus qu’un lointain souvenir que je ne tenterait même pas de rappeler à ma mémoire.

- Je vous comprends parfaitement. Je suis un guerrier plus qu’autre chose, désormais. Je n’ai réellement pas l’habitude de ce genre de soirée. Un feu de camp, et quelques proches pour passer la soirée. Une guitare qui tourne et des chants anciens… Voilà ce que j’appelle une bonne soirée. Mais, comme vous le dites : le devoir passe avant tout.

J’aime la simplicité. Mais, échanger quelques pas avec une demoiselle, ce fut rafraichissant. Au bout d’une dance : je réclame grâce, incapable de danser plus. Ha, il est beau, le grand guerrier… Incapable d’enchainer plus de quelques pas de danse sans être essoufflé ! N’importe quoi. Un sourire sur mes lèvres, je me laisse tomber sur un banc, avant d’attraper un verre vide et une carafe. J’incline la tête vers la demoiselle à mon côté, lui proposant de remplir pour elle le sien, puis j’en prends un second pour moi.

Mon regard court sur la salle, et croise celui de mon hôte, à qui j’adresse un signe de la tête, un franc sourire sur le visage, avant de le voir se détourner de moi, l’air embarrassé, voire légèrement énervé. Aurai-je fait quelque chose qui ne lui convient pas ? Je ne prends pas la peine de réfléchir, préférant profiter de la présence amusante de la demoiselle à côté de moi qu’à penser politique. S’il n’aime pas me voir me ridiculiser sur la piste de danse, alors je n’irais plus sur la piste de danse. C’est pas plus compliqué que ça.

- Robuste, oui. Pour les muscles qu’on utilise au combat à l’épée. Mais, pour ceux de la danse, je ne suis vraiment pas entrainé. Je prendrais des cours, une fois de retour au Rohan, pour ne pas vous faire honte la prochaine fois qu’on se croisera.

Un rire léger quitte ma poitrine, et je soupire face à sa question. Les quartiers qu’on m’a attribués sont parfaits, tout simplement parfaits. Rien à redire. Tout ce faste m’étonne un peu. Je suis plus souvent sur les routes qu’en train de dormir sur un lit de plume.

- Je suis parfaitement installé, demoiselle. Il est cependant vrai que j’ai hâte de rentrer par chez moi…

Un sourire sur les lèvres, mon visage devint distant un instant, alors que je repense au visage d’Eodia du Rohan. Oui, il est vrai que je ne suis réellement pas à ma place ici, et qu’elle me manque un peu. Beaucoup. Néanmoins, la princesse n’a certainement pas le même attrait pour moi que moi pour elle, et il est temps d’oublier cette pensée et d’en savoir un peu plus sur mon inconnue… Car, au fond, à part son nom, je ne sais pas grand-chose d’elle.

- Mais, je ne vous ai toujours pas demandé qui vous étiez réellement. Je n’ai malheureusement pas eu le temps d’apprendre les noms de toute la noblesse de cette contrée… Théodoras, m’avez-vous dit ?

- Et ce sera avec plaisir que je vous accorderai une nouvelle danse quand je saurais un peu mieux danser. Enfin… si vous voulez me donner la première leçon, je peux très bien me plier à vos souhaits, demoiselle.

Certes, je ne suis pas un danseur, même si le maniement des épées peut parfois s’apparenter à une danse avec la mort. Cependant, celle que Niniel attend de moi est un peu plus compliquée, et je dois avouer ne pas avoir été préparé à ça. Ha ! Il est beau l’héritier de Dunharrow. Il a pensé toute sa vie à devenir l’épée-lige du Roi, et il en a oublié que les convenances sont là pour être respectée, et qu’il allait éventuellement un jour se retrouver face à un banquet, où il devrait faire danser les dames !

C’était un dur constat que je faisais sur moi-même, mais c’est avec un sourire que je cachais chaque sentiment étrange qui grimpait jusqu’à ma tête. Je n’avais pas envie de blesser la demoiselle qui se trouvait en face de moi. Après tout, je suis et je reste un gentleman, toujours là pour protéger ces dames, toujours là pour faire en sorte que les choses se passent bien. Et puis, il fallait avouer une chose : cette Niniel était tout de même bien intéressante, et discuter avec elle était un vrai plaisir. Enfin, sauf que parler du Rohan me ramenait à celle qui a depuis longtemps volé mon cœur, et je n’ai pas vu depuis des mois. Enfin, il faut avancer dans la vie, et penser à tout ça ne faisait que me faire reculer. Je préférais me tourner vers l’avenir, et non vers le passé. D’ailleurs, c’était pour ça que je posais des questions à Niniel sur son nom de famille et sur sa famille en général. J’ai certes une bonne mémoire, mais il est impossible de retenir l’histoire de ce pays en quelques semaines, là où je suis aujourd’hui encore loin d’être incollable sur mon propre pays.

- Je suis désolé de réveiller ces souvenirs, demoiselle.

Ma main se posa sur l’avant-bras de la jeune femme, un sourire triste sur le visage. Je n’avais certes pas songé que la conversation glisserait sur ce sujet. Perdre un parent était quelque chose d’horrible, et à chaque fois que mes pensées se tournaient vers les miens, j’espérais que ce moment n’arriverai que le plus tard possible.

- Je n’ai jamais eu cette peine, et je ne peux donc qu’imaginer ce que c’est que de perdre un père. Le mien est à la fois mon modèle et mon guide dans la vie, et ne plus l’avoir serait une torture de tous les instants. Je vous présente mes plus humbles excuses.

Mais, il fallait retourner sur des sujets plus gais. Je retirais donc ma main du bras de la jeune femme pour m’incliner devant elle et lui proposer une nouvelle danse. Certes je n’étais pas un bon danseur, mais elle saura me guider sur la piste et me faire m’amuser. Et puis, je lui devais bien ça, non ?

- Retournons oublier ce moment sur la piste. Je promet d’essayer de suivre le rythme.

On parlait là d’essayer, hein. Pas de réussir.

Quelque part, une question se pose dans mon esprit : comment en suis-je arrivé à monopoliser cette demoiselle ? Je ne sais plus réellement. Elle semblait aussi peu à sa place que moi, malgré mon ascendance, et ce que j’ai compris de la sienne. Et, plus je parle avec elle, plus je la découvre, plus son visage s’anime, de mimiques amusées en moqueries sans méchanceté, plus je crois que je l’apprécie. En réalité, elle me fait penser à mon petit frère. Il n’a que huit ans, mais il possède cette sorte d’innocence que cette demoiselle que j’ai en face de moi exprime. Alors, oui, au fond, je crois que je m’en fiche un peu de froisser mon hôte et de subir ses regards assassins toutes les trois secondes. J’aime à discuter avec elle et je n’ai pas l’intention de m’en priver simplement parce que le pauvre bougre est jaloux. Allons bon. La jalousie est un vilain défaut, en plus. Et, je n’ai réellement pas l’intention de m’agenouiller pour la demander en mariage, ça non. Mon cœur est déjà pris, et je crois que je préfèrerai encore finir seul que sans elle… Eodia… Un soupir monte à ma poitrine à cette idée, et je préfère la balayer. Penser à la princesse n’est pas une bonne idée, surtout que je suis à des centaines de kilomètres d’elle.

Alors, je me suis mis à poser des questions, sur cette demoiselle, je me suis intéressé à sa famille, réveillant par la même occasion ses propres mauvais souvenirs. Quel idiot je peux faire, parfois. Après m’être excusé, j’ai pris la peine de hocher la tête à sa remarque sur mon père. Oui, elle a parfaitement raison, si je perdais mon père, je me retrouverai dans une sacré mouise. Et puis, Père est tellement… Tellement adorable. Certes il a longtemps été dur avec moi, mais c’était pour mon bien. Il a toujours été un véritable guide, une personne sur qui je peux compter, une personne qui m’a épaulé et permis de donner le meilleur de moi-même. Alors, je ne peux même pas envisager de le perdre. Ma vie sans lui serait … impossible, en réalité. Je n’ose même pas songer à ce jour, que j’espère le plus lointain possible, où il va rendre l’âme, et où le poids de ses responsabilités tombera sur mes épaules. En fait, je ne sais même pas si j’en serais capable, sans lui…

- Vous avez raison. Je vais tenter de profiter encore plus de chaque instant.

Comme ma partenaire semble apprécier danser, bien que ce ne soit pas du tout ma tasse de thé, je lui propose par la suite de venir avec moi sur la piste pour virevolter un peu. La musique est beaucoup plus rapide que tout à l’heure, et si ma compagne semble bien s’en sortir, je me fais l’impression d’être un canard à qui on a mis des palmes. Après quelques minutes à m’empêtrer dans mes bottes, je me penche vers la jeune femme et je lui demande :

- Est-ce qu’il ne serait pas mieux d’enlever nos chaussures ? J’ai l’impressions qu’elles ne vont pas dans le même sens que mes pieds…

Certes, c’est peut être stupide, mais pour le coup, j’ai l’impression que je m’en sortirais un peu mieux sans ces bottes de guerrier. Bon, après, c’est peut être mal vu… Mais est ce que c’est plus mal vu que de se ridiculiser en public, hein ?

Oui, bon, je dois avouer que cette fête me semble un tout petit peu plus amusante maintenant que j’ai trouvé une demoiselle pour me changer les idées. Non, non, ici rien d’autre qu’une amitié qui se lie et qui nous unit. Je ne me permettrais pas de flirter avec une demoiselle dont, au fond, je ne sais rien. Peut être est elle fiancée, et peut être qu’un homme souhaite déjà, dans son pays, l’épouser. Je n’en sais rien du tout, et je n’ai aucune idée de ce que je pourrais m’attirer comme ennui. Par qu’elle ne soit pas mon type, loin de là. En fait, je ne pense pas avoir de type, pas vraiment… Il y a juste… cette femme. Celle qui a volé mon cœur. Alors, au final, non. Je me répète en boucle que, malgré les regards assassins que me jette le prince de ces lieux, je ne fais rien de mal. Car, oui. Malgré que je m’amuse avec Niniel, il y a cette petite ombre au tableau. Alors, c’est pour ça, je pense, que je l’ai invitée à danser une nouvelle fois, malgré que… Hé bien, malgré que la danse soit un peu ma Némésis. Bon, ça et aussi pour changer les idées de la demoiselle, car parler de ses proches partis, ce n’est jamais joyeux. Pourtant, un jour… Un jour aussi proche que lointain, Père décèdera, et ce sera à moi de me retrouver à la tête de Dunharrow.

Un sourire aux lèvres, je finis par réclamer grâce cependant, demandant à la demoiselle si ce ne serait pas plus facile les pieds nus. Et, on peut dire que sa réponse me laisse pantois. Ridicule, moi ? Oh, je l’ai déjà été. Souvent même. J’ai certainement fait pire dans ma courte vie que de me retrouver à valser et à tourbillonner les pieds nus. Enfin, du moment que ce n’est pas impoli. Ou inconvenant. Alors, je m’éloigne, quelques minutes, le temps de retirer mes bottes, pour revenir vers elle. Heureusement que j’ai pensé à couper mes ongles avant mon voyage : ainsi mes pieds sont à peu près visibles. Sans ongles qui partent dans tous les sens et ressemblent à des griffes. Bref. Passons.

- Allons-y. Montrez moi ces pas que vous faites. Mais, pas trop vite, sinon je vais encore vous marcher dessus.

Enfin, ça lui fera moins mal cette fois. Un sourire penaud sur les lèvres, je fronce les sourcils et je la laisse me montrer les bases, tout en reproduisant de manière gauche ses mouvements. Bon. D’accord. La prochaine fois, je prendrais les cours de danse que ma mère voulait m’imposer. Promis, juré.

Si ma compagne de ce soir et nouvelle amie m’assurait que les orteils écrasés n’étaient rien, je dois pourtant avouer que j’avais bien honte de faire mal à une jeune femme comme elle. Un sourire sur les lèvres, je m’étais donc laissé aller à retirer mes bottes, pour pouvoir danser un peu plus facilement avec la demoiselle. J’étais gêné de ma maladresse, cependant, même si elle semblait réellement vouloir me rassurer en me montrant quelques pas simple que je réussissais à reproduire sans trop de gaucherie, je devais bien dire que j’étais loin, très loin de son niveau.

- Oh, ne vous en faites pas. La prochaine fois que je danserai, ce sera certainement à mon propre mariage, si un jour mon père me trouve une femme, alors… Je n’ai pas vraiment besoin de savoir danser. C’est plus pour vous faire plaisir à vous que je me plie à cet exercice.

Une touche d’humour, certes, et je lève ensuite les yeux au ciel en riant, avant de reprendre mon ballet de pas. Alors, un à gauche, un en avant, on tourne, à droite, on tourne et on revient à peu près à sa position de départ. C’est ça ? Vraiment ? Un sourire sur les lèvres j’éclate de rire quand la demoiselle me dit que je m’en sors bien. Je n’y crois pas tellement, mais je dois lui avouer une chose :

- Allons, j’essaie juste de ne pas vous faire trop honte, demoiselle. Par ailleurs, si vous passez à Edoras, n’hésitez pas à venir me voir. Je vous ferais visiter la ville.

La proposition est sincère. Un sourire sur les lèvres, je m’incline devant elle suite à cette idée qui m’est venue. Elle connait après tout mon nom et sait que je vis au palais, alors : si je ne suis pas en vadrouille avec mes cavaliers, je serais par ailleurs ravi de m’occuper d’elle. Elle sera très certainement une bonne amie, cette Niniel. Elle possède quelque chose de pétillant qui est rafraichissant, et qui permet de s’éloigner des méandres politiques de la cours.

Sans mes bottes, je m’en sortais beaucoup mieux, et même si j’étais là pour faire plaisir avant toute chose à la demoiselle, puisque je l’avais blessée de manière non intentionnelle, je devais au moins faire en sorte de m’amuser un minimum. Et puis, la discussion était amusante, non ? Surtout que maintenant, j’avais moins tendance à lui écraser les pieds. Alors, c’est avec un sourire sur les lèvres que je me mis à plaisanter. A propos de certaines choses, et puis d’autres. En fait, je m’amusais bien. Même si je n’aimais pas plus que ça la danse. Oh ça, demain, j’allais en avoir des courbatures ! Mais, ce n’était pas grave, parce que… J’étais bien, loin des soucis, loin des manigances qui ont rythmé ma vie depuis ma plus tendre enfance.

- Mais, vous faire plaisir me fait plaisir. N’est-ce pas important aussi ?

Au fond, danser pouvait presque être amusant. Danser pouvait être un point important, ce soir. Et, j’en vins même à parler du jour de mon mariage. Lointain. Hypothétique. Niniel tenta bien de me rassurer sur ma popularité auprès des femmes, et je me contentais de sourire. Je n’avais pas le cœur à lui répondre qu’il n’y en avait qu’une seule qui n’avait jamais compté, et qu’elle ne me voyait certainement que comme un ami d’enfance. Et puis, même le fils du gouverneur de Dunharrow ne peut pas prétendre épouser une princesse, n’est ce pas ? Une princesse doit faire un bon mariage, un mariage où les allégeances parlent avant toute chose, et ensuite essayer d’être heureuse… Et, de mon côté, je devrais en faire pareil. Mais, mon père est encore vivant. Pour longtemps, j’espère. Donc… Donc j’ai largement le temps de penser à ça. Plus tard. Par la suite. Quand le moment sera venu. Je savais faire l’autruche mais… Je n’avais pas envie de me retrouver à déprimer, par en cette belle soirée.

Une dernière musique, un dernier morceau, des notes qui s’envolaient et qui se terminaient pour laisser place à un silence presque étourdissant après tout ce faste, toute cette fête. Je hochais la tête face à Niniel, car oui, elle avait raison. Temps était venu de se séparer. Voilà d’ailleurs un nouveau regard noir de mon hôte sur ma personne, et l’homme s’avança soudain vers nous pour accaparer mon attention. Allons bon, ai-je réellement dansé avec la mauvaise personne ce soir ? Je m’incline légèrement devant Niniel :

- Hé bien, n’hésitez pas à me faire signe si vous souhaitez danser à nouveau, demoiselle. Il me semble que les responsabilités politiques me tombent dessus. M’excusez vous ?

Au Rohan, on laisse toujours les dames excuser l’homme qui doit s’éloigner. C’est une coutume, une politesse. Nos femmes sont des trésors, des petits bijoux, des perles précieuses brutes taillées dans des diamants. Alors, il est normal pour moi de la laisser avoir le dernier mot.