Pour le meilleur et pour le pire

Toujours garder les yeux ouverts…

Aïden

Toujours prête à rire avec des villageois sur le marché et à proposer son aide à ceux dans le besoin, Aïden paraissait aux premiers abords comme une jeune femme sociable et soucieuse du bien-être des autres. Plus polie qu’altruiste, à vrai dire, son apparent mutisme, lorsque l’on tâchait de mieux la connaître, déroutait facilement : la demoiselle écoutait davantage qu’elle ne parlait et n’importe qui aurait eu l’impression de converser avec un mur de glace si elle n’avait pas autant eu le sourire aux lèvres. Pas que Aïden éprouvait une quelconque difficulté à s’exprimer, mais plutôt à cause de ce côté timide qui finissait inévitablement par la rattraper. Avoir une faible estime d’elle-même ne l’empêchait cependant pas de se montrer optimiste dans d’autres circonstances et d’apporter activement son soutien de quelque manière que ce soit. Pourtant, sa personnalité des plus raisonnables s’avérait vite à double tranchant pour ceux ayant l’occasion de la côtoyer plus régulièrement ; comme régie par le cycle sans fin du jour succédant à la nuit, la quiétude illusoire avant la panique. Ce contraste flagrant dans sa manière d’être la hissait malgré elle au statut de manipulatrice pour un certain nombre de personnes, ne sachant plus exactement où la placer dans leur réseau de relations. Femme sans problème et serviable un matin, colérique et chapardeuse le lendemain !
Ce fragile équilibre prenait en réalité ses racines dans le passé trouble d’Aïden et son instinct de survie démesuré à la nuit tombée, les ténèbres nourrissant une peur étonnante et surtout incontrôlable chez la demoiselle. Peut-être étaient-ce ces troubles qui la privaient d’amitiés sincères et la condamnaient à une vie solitaire ?

Tout pourrait être douceur à la vue d’Aïden. Une chevelure neige qui se perdait sur un minois angélique et qui s’échouait telle une vague d’écume sur des épaules frêles. Quelques mèches malicieuses profitaient de leur liberté pour voiler de temps à autre son regard bleuté indéniablement magnétique, apportant une touche de secret et de charme à ce portrait. Seuls ses sourcils bruns et ses lèvres généreuses empreintes d’un rouge profond faisaient voler en éclat cette image de poupée de porcelaine et témoignaient toute la force de son caractère. Plutôt svelte, on devinait néanmoins, tout comme à la finesse de ses mains, l’habileté dont elle pouvait faire preuve mais aussi sa minutie. Quand bien même son physique laissait penser à une serveuse dans une taverne ou à l’une de ces commerçantes au détour d’un stand, il n’en était rien. Comme ses bras, quelques fois couverts d’hématomes, ou encore la chair à vif de ses mains écorchées, rares étaient ses habits dans un état respectable. Cela ne la privait cependant pas de paraître un tant soit peu féminine : un bas en cuir sombre, plongé dans des bottes similaires, dessinait le galbe de ses jambes et un haut vert pâle, dont les lacets jouaient sur son buste, soulignait agréablement les courbes que la Nature lui avait si gentiment attribuées. Car après tout, et malgré ses envies passagères, difficile pour une chasseuse de courser un lièvre en robe dans une forêt, ne croyez-vous pas ?

Son histoire

Un nom. C’était tout ce dont elle se souvenait à son réveil sur les routes du Rohan et même encore à ce jour, des années à courir après sa vie d’antan. Aïden. Elle ne savait pas si la voix masculine, brisée par la détresse, l’appelait elle, son amante, sa mère, sa sœur, mais ce mot, seul, la reliait à son passé, à une partie de ses souvenirs. C’était tout ce à quoi elle avait pu se raccrocher et tout ce qu’elle n’aurait plus. Un écho d’une vie qui ne lui appartenait sûrement pas. Ou bien l’un de ces rêves lancinants, telle une plaie béante, refusant de vous laisser en paix ; rêve qui l’obsédait dix maintenant depuis le premier jour. Celui de sa seconde naissance.
Malgré tout, et son jeune âge à l’époque qui aurait pu la conduire à un grand désespoir, Aïden ne renonça pas à l’idée de se construire une nouvelle identité et à se battre afin de se faire une place dans ce monde impitoyable. A se battre contre elle-même, surtout, son esprit semblant garder une trace indélébile de son histoire. La folie qui s’emparait de la jeune femme, lorsque le jour s’inclinait pour saluer la nuit, l’avait longtemps forcée à l’exil ; s’échappant des foyers qui l’accueillaient pour fuir un démon invisible, déconnectée de la réalité et réalisant bien trop tard qu’elle se trouvait à des lieues de « chez elle ».

La vagabonde maîtrisait davantage le côté indomptable de sa personnalité mais nul doute que ces étranges phénomènes finiraient par ressurgir plus violemment encore ; car jamais un cauchemar ne cesse de vous hanter…

félicitation, tu es validé(e)

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