Deoglir } Il suffit de chanter un chant de paix avec gesticulations et grimaces pour qu'il devienne un chant de guerre.

Il suffit de chanter un chant de paix
avec gesticulations et grimaces
pour qu'il devienne un chant de guerre.

Deoglir le Ménestrel

Cet homme n'est pas le plus grand des héros, il ne manie pas l'épée avec force et adresse, il n'a pas la sagesse et les connaissances d'un elfe millénaire ... Mais il a un cœur et une détermination qui font bien vite oublier son manque de magnificence. Si certains elfes ont estimé qu'il pratiquait la musique avec plus d'harmonie qu'ils ne le feraient jamais et d'autres hommes dirent qu'il réchauffait leur cœur un quelques notes, c'est parce que Deogril connait les us et coutumes des peuples qu'il visite, qu'il sait ce qui est apprécié, ce qu'il faut respecter.

Bien qu'il ne connaisse rien de ces origines, il se sent à sa place en tous lieux et toutes circonstances : qu'on le place devant la table des Rois de ce monde, dans les cours des Seigneurs de ces terres, ou dans la taverne de ces hommes de peu, il chantera avec le même entrain et le même plaisir. Le partage est la valeur qui lui importe le plus, que ça soit pour sa musique ou le peu de ressources qu'il peut offrir à autrui. Il parcourt les routes, ne s'arrêtant jamais longtemps en un lieu, les sentiers de la Terre du Milieu sont ses couloirs, les plaines et les forêts, ses maisons.

Il fuit devant le danger et n'y fait face que sous la contrainte du moment. D'aucun dirons qu'il est un lâche, mais c'est ne pas le connaître car si plus faible que lui est en danger, il est capable du meilleur, seulement, il ne voit pas l'intérêt à se jeter dans les mésaventures quand on en connait l'issue et que celle-ci sera à coup sûr funeste.

Ce n'est pas parce qu'il est de taille et de corpulence moyenne que ce troubadour passe inaperçu. Toujours vêtu de vêtements de voyage, il arbore fièrement quantité de dessins aux significations obscures pour les autres et porte de nombreux bijoux. La tête rasée, il a cependant une barbe de trois jours. Ses traits sont épais mais l'expression de son visage est particulièrement douce, surtout lorsqu'il se met à chanter. Il a les yeux bleu foncé, souvent très expressifs.

Gentes dames et Gents damoiseaux ! Jamais il ne vous aura été donné d'odir pareille naissance. L'arrivée noble et auguste d'un nouveau né au beau minois et à la santé de fer dans des circonstances aussi merveilleuses qu'extraordinaires. Nul n'ignora l'avenir chevaleresque réservé à ce petit d'homme si bien portant. Mais nul n'entendra jamais cette histoire, car si elle peut retenir l'attention des plus naïfs, de vérité, elle n'a point. Que les crédules passent leur chemin car l'on ne peut donner crédit à tout ce que dit un ménestrel. Ainsi donc, vous me mandez mon histoire ? Quelle idée saugrenue. Mais, ma foi, pourquoi pas. Soyez indulgents avec le héros de cette histoire car d'héroïque il n'a que le nom et que ce statut est lui-même passager.
Or i allons ! Notre héros est né d'une ribaude, d'une paillarde, d'une dame ou d'une reine ; son père était seigneur, écuyer, houlier ou bien maroufle ; ses terres étaient au nord, au sud, à l'est ou à l'ouest ... Que sais-je ! De sa naissance l'on ne sait rien ... De ma naissance, je ne sais rien. L'on me trouva en bordure de l'Anduin, sur les Terres Brunes, situées au Nord Est du Royaume du Rohan. On me donnait trois ans, ou quatre. Nul ne comprit par quel concours de circonstance je me trouvais là, sans savoir mon nom, sans même pouvoir parler. Longtemps, l'on m'estima simple d'esprit, incapable de grands raisonnements. Mais oyant désormais les paroles des hommes, je pu un jour me mettre à les imiter et les mots sortir de ma gorge avec l'aisance d'un adulte, formant des phrases complexes, reproduisant les sons de leurs cordes vocales sans buter sur une seule syllabe. Les hommes qui m'avaient recueillis venaient de Framsburg mais avaient convoyer jusqu'au Sud du Rhovanion pour marchander avec les gens de ce royaume. Ils s'en retournèrent à leur village cinq mois après m'avoir trouvé. Dans leur grande bonté, et parce que je leur offrais du divertissement, essayant d'imiter le chant des oiseaux que j'entendais, ils m'emmenèrent avec eux.

Je vivais à l'ombre des Montagnes Grises toute mon enfance. Je ne connus pas le luxe d'une famille, mais celui de plusieurs. Le tenancier de la seule auberge du coin m'avait offert de m'installer dans l'une de ses chambres et me nourrit même lorsque je passais mes dix ans, pourvu que je chantasse pour lui et ses clients. Les adultes avaient envers moi un regard tendre et de douces intentions et bien que je ne pu connaître l'amour d'une mère et la fierté d'un père, je ne manquais pas d'affection. Un homme du village m'apprit tout ce qu'il savait d'érudition : l'écriture, la lecture, les mots, quelques notions d'autres langues, les légendes, l'histoire. Quand les jeunes hommes de mon village s'engageaient dans la milice, dès qu'ils avaient passées quatorze années, je remerciais ceux qui avaient été bons et généreux à mon égard, quittant ce petit village perdu au bord du Langwell.

Dès lors mon histoire n'a plus d'intérêt. Je parcours la Terre du Milieu depuis une vingtaine d'années, chantant les légendes que j'entends, tachant d'en apprendre de nouvelle à chaque ville visitée. Je conte les rumeurs qui me parviennent, les ajoutant à mes mélodies. Les vers que j'écris ne sont pas les plus beaux, ni même les plus parfaits, l'on ne m'apprit pas la métrique et la grammaire. Mais ils touchent ceux qui les entendent car je les pense pour leur sonorité. Je suis allé au nord, au sud, à l'ouest, à l'est, je me suis aventuré là où je n'aurai pas dû, mais toujours, j'ai su me sortir des situations difficiles. Je ne vis que par la générosité de ceux qui croisent ma route et je ne vis que pour la partage qu'est la vie, cette grande aventure. En ces temps troublés par de nombreuses rumeurs, je vogue en Eriador afin de propager les informations que je glane ça et là sur ce mystérieux Mage Bleu et ceux qui sont à sa poursuite, quelles que soient leurs intentions.

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