De son périple des forêts du Rhovanion à Imladris, il ne lui reste que peu de mémoire. Elle n'était encore qu'une petite oursonne quand sa mère et son grand frère ont entrepris ce périple, leur père venant de disparaître. L'esclavage était une chose que sa famille avait fuit, depuis quelque générations déjà. Mais il restait encore quelque uns d'entre eux et sa famille avait choisi de fuir, pour survivre. Les ours n'étaient pas fuyards mais lorsque l'on a une armée de gobelin contre soi, il n'y a parfois pas d'autres choix.
Le voyage entre le Rhovanion et l'Eriador à trois dont un enfant et un bambin, ne fût pas sans encombre. Quelque villageois parfois acceptaient d'ouvrir leur porte à ces malheureux "géants humains", d'autres fois ils n'avaient d'autre choix que dormir à même le sol ; ils n'avaient pas eu le luxe de prendre des affaires pour fuir. Parfois, il se passait des jours sans qu'ils ne trouvent de quoi manger et leur réserves venaient vite à être à sec. Leur mère favorisait ses enfants, le grand frère favorisait le bambin. La mère fût la première à périr, après qu'ils aient enfin fini de traverser les montagnes séparant le Rhovanion de l'Eriador. Cette traversée avait semblé sans fin. Surtout car l'aîné et la mère devaient se relayer pour garder les lieux à l'oeil, dans les montagnes, ils étaient à la merci des gobelins mais ils n'avaient d'autres choix. Leur mère n'avait pas eu d'autre idée que l'Eriador. La Lorien aurait pu aider mais la mère n'avait pas suffisamment confiance aux elfes, après tout, ils n'avaient rien fait dans la Forêt Noire pour les aider.
Ironiquement, après quelque jours de marches, ce furent des elfes d'Imladris qui les trouvèrent et leur vinrent en aide. D'abord méfiants puis conciliants, ils acceptèrent de ramener les oursons dans leur domaine, pour qu'ils voient le seigneur Elrond en personne. Ce fût l'aîné qui parlait, le bambin encore trop incapable pour le faire. L'aîné avait quinze années. Il expliquait la situation : nous vivions en paix, puis des gobelins sont arrivés. D'abord les clans près des montagnes puis ils se sont rapprochés des forêts pour en chercher d'autres. Et Elrond fit la même remarque que leur mère ; pourquoi ne pas se rendre en Lorien ? C'était la forêt la plus proche et ils n'avaient pris que d'autant plus de risques en traversant les montagnes. Mais dans sa panique et sa peur, la mère n'avait pas réfléchis et ils avaient été chanceux de ne pas être tombés sur d'autres gobelins dans les montagnes.
Le seigneur Elrond fût bon avec les oursons. Il acceptait qu'ils trouvaient le repos chez lui, à défaut de pouvoir les aider autrement. Cela durait ainsi trois années, jusqu'à ce que l'oursonne sache marcher et parler, pour que son frère se décide à aller voir chez lui ce qu'il se passait, s'il n'y avait pas un retour possible. Le seigneur Elrond le lui avait déconseillé mais raisonner un ours n'était pas chose facile. Il laissait toute fois sa petite soeur aux soins des elfes : la route était trop périlleuse pour une enfant.
L'ours ne revint jamais. Les elfes l'avaient toujours su, qu'il ne pourrait revenir. Ils eurent donc plusieurs choix face à l'enfant : l'éduquer d'eux-même, lui faire oublier d'où elle venait, ou lui rappeler d'où elle venait et l'éduquer avec ces connaissances. Ils choisirent donc de l'éduquer de façon à ne pas répéter l'erreur de son aîné, de lui donner un nouveau prénom, Imrae, de l'éduquer à leur façon tout en lui apprenant qui elle était. Le plus dur dans cette éducation, fût de gérer les colères et la susceptibilité de l'oursonne. La plupart des elfes n'avaient jamais eu à côtoyer les berserkers et ne savaient donc pas ce qu'il convenait de dire et de ne pas dire. Ils apprirent donc ensemble, les elfes plus vite qu'Imrae qui semblait ne pas avoir tous ses neurones. Ils lui laissèrent aussi le droit de garder un collier venant de sa mère, mais tous ses autres vêtements furent jetés. Elle grandissait trop vite de toute façon.
A ses 16 ans, Imrae faisait déjà 1m85 et continuait encore à grandir. A ses 16 ans, ce fût la première fois qu'elle sortait d'Imladris, accompagnée, toujours, dans les premiers temps. C'était dans ces moments où la berserker pouvait se transformer librement et ne plus faire de dégâts à Imladris, ces moments où elle pouvait agir librement. On ne se contentait plus non plus de lui montrer les plantes ramenées, on lui montrait aussi où les trouver et comment. Au fil des mois, elle sortait seule, de plus en plus loin. Si elle fût tentée, seule, d'aller vers les Montagnes ? Oui, plus d'une fois. Mais elle ne le fit qu'une fois, aller vers les montagnes, elle aura vite compris que c'était trop dangereux. Les chasseurs, les gobelins. Elle n'avait pas eu à aller bien loin pour s'en rendre compte mais elle avait pu rentrer seule, bien que blessée. Elle ne retentait plus l'expérience de se rendre jusqu'aux montagnes. Elle avait craint avoir mis Elrond en colère, il lui avait fais confiance. Mais Elrond lui avait toujours laissé la liberté de faire ses propres erreurs. Le seigneur d'Imladris conseillait, veillait, mais toujours, la laissait libre de faire ses propres choix, prendre ses propres décisions. Il ne lui retournait pas de "je te l'avais bien dis", il se contentait juste d'un regard qu'elle prenait pour un regard amusé.
Elle était toujours retournée à Imladris, ensuite. Elle s'était arrêtée aux frontières, toujours. Elle n'avait jamais été plus loin qu'elle ne le devait. Elle se contentait juste de rêver de se promener plus loin, sans jamais le faire de nouveau, elle avait mis des mois à cicatriser véritablement et garderait les traces de ses blessures toute sa vie, cela lui rappellerait donc ce à quoi elle avait échappé de justesse.
A 25 ans, elle mesurait deux mètres cinq. C'était là sa taille finale, deux mètres cinq. Elle ne serait pas parmi les plus grands de son espèce, mais pas parmi les plus petits non plus. Elle faisait une taille respectable pour une changeuse de peau. A 25 ans, elle contrôlait enfin son don pour la modification, elle avait enfin appris à ne plus se changer à force de trop grandes émotions, à ne se changer que lorsqu'elle en avait envie ou au moins, s'éloigner le plus des elfes pour se changer. A 25 ans, elle fit la rencontre d'un Homme. D'où il venait, elle l'a toujours ignoré, il ne lui a jamais vraiment dis. Il se disait juste être marchand, passant entre les grandes villes et citées, vendant des choses qu'on ne trouvait peu. Il avait la confiance des elfes, lui et sa famille, assez pour qu'on lui autorise l'accès à Imladris et qu'il en connaisse les lieux. Il pouvait venir du Gondor comme du Rohan qu'il ne lui avait pas dis. Desendril était son nom, il était grand, pas aussi grand qu'elle mais grand pour un Homme. Sa taille avait toujours amusé l'homme, qui disait ne jamais avoir vu une femme si grande, même chez les elfes. Elle qui avait passé sa vie chez les elfes, n'avait jamais su ce qu'était le charme et la séduction, elle connaissait les poèmes et les chants, mais pas la séduction d'un homme.
Desendril passait souvent à Imladris. Ce qu'il vendait, elle ne lui avait jamais demandé non plus, ces affaires, il les faisait avec les elfes. Il avait juste dit que si elle avait besoin de quelque chose, il pouvait lui trouver. Des bijoux, notamment. Mais elle ne lui avait rien demandé, elle était une femme simple qui n'avait pas besoin de grande chose pour être heureuse. Il lui apprit donc ce qu'était, cette fameuse séduction, ces fameux charmes. Elle y avait même succombé, à plusieurs reprises. Desendril se trouvait être plutôt bon musicien aussi, mais surtout beau parleur : Imrae n'était pas une femme à qui on pouvait facilement s'adresser, mais le contact entre eux s'était fait tout seul. Imrae se méfiait toujours des étrangers, mais elle avait vite baissée sa garde avec lui. Alors il passait souvent la voir, il restait quelque jours, semaines, puis repartait, parce qu'il fallait travailler, disait-il.
A 32 ans, elle ne savait pas ce qu'il convenait de faire de sa vie. Desendril venait toujours si souvent la voir, mais elle n'avait pas encore eu l'audace de lui demander à le suivre. Il lui avait pourtant suggéré plus d'une fois, le suivre sur les routes. Mais elle n'avait pas eu l'audace d'accepter, il avait fini par ne plus lui demander et le temps qu'elle se soit faite à l'idée de le suivre, elle n'osait pas lui demander, l'imaginer était une chose, le vivre en était une autre et son dernier voyage loin d'Imladris s'était trop mal passée pour qu'elle retente l'expérience. Elle ne savait pas quoi faire de sa vie. Elle aidait les elfes, car elle n'aimait pas l'idée de rester chez eux sans rien faire et ne rien leur rendre de tout ce qu'ils lui avaient donnés. Travailler, elle le faisait si elle le pouvait. Elle voulait être utile à quelque chose, sans trouver exactement à quoi. Elle finirait sûrement par trouver, elle était encore jeune.