Est-il possible de raconter plus de 6000 années de vie ?
Aucun homme n'aurait le temps de vivre assez pour entendre ne serait-ce que les grands événements et exploits qui ont marqués la vie du roi de la Forêt Noire. Une vie emplie de joie autant que de tristesse, d'accès de colère et de froideur. Thranduil n'a pas vécu si longtemps que bien de ses congénères mais il estime avoir vécu suffisamment longtemps pour connaître les grands événements qui ont marqués la Terre du Milieu elle-même. Et pourtant, en dépit de tous ces événements qui auraient pu être fatal, à aucun moment le fils d'Oropher n'a songé à partir vers les terres éternelles.
Thranduil n'a pas toujours été l'elfe froid et dur qu'il est à ce jour, il peut être difficile de le croire mais il n'a pas toujours été cet elfe casanier préférant se terrer chez lui. Il a même pendant des siècles était un elfe adorant courir dans les bois, grimper aux arbres, faire la rencontre de nouveaux animaux dans les contrées verdoyantes. Un elfe qui respirait simplement la joie de vivre, bien plus sauvage toute fois que certains elfes de l'Eriador, plus susceptible surtout. Ce sont les lourds événements et surtout le temps, qui l'auront transformés en un elfe distant et froid, préférant la douce solitude au brouhaha d'une foule. A se demander si la forêt n'est pas devenue noire à cause du prince devenu roi et s'étant laissé assombrir par les années.
Dans les faits, peu de choses auraient pu laisser croire que le roi se laisserait aller à la mélancolie et la solitude et surtout : la lassitude. On n'irait à dire que chaque jour avait été une bénédiction mais il n'a manqué de presque rien dans sa longue vie : né d'une famille royale, il n'a jamais manqué d'argent, il a eu les meilleurs maîtres, enfant unique il reçut tout l'amour de ses parents, un enfant choyé. Dans l'adolescence, il avait été un elfe joyeux et dévorant la vie : courant ça et là, passant ses nuits à la belle étoile, il avait eu tout le temps d'apprendre les arts de la politique, les arts de la guerre, les arts rigoureux de la musique et des peintures, l'art de parler, l'art de savoir comment il convenait de s'habiller et quand. Le premier événement rude de sa vie fût simplement la guerre et il ne pouvait pas dire qu'il ne l'avait pas vu venir. Mais Oropher était ainsi, caractériel, il ne se laissait pas guider sa vie et ne reculait devant rien : ainsi devait être son fils aussi, à sa suite. Une guerre ils auront menés, un talent pour la guerre il se sera découvert, puisqu'entre théorie et pratique il y a un monde. Mais seul il sera revenu, passant d'un prince insouciant à un roi bienveillant dont la mélancolie commencer à tâcher sa vie.
Sa mère avait suivi le trépas du père, peu désireuse de connaître une vie sans sa moitié. Il comprenait cela, mais en fût déchiré. Mais ces pertes étaient arrivés à toutes les familles des soldats elfiques tombés. Il regrettera toute fois toute sa vie de ne pas avoir pu faire plus. Il ne pardonnera dès lors plus jamais ses erreurs ni celles des autres, pas quand ces erreurs pouvaient coûter la vie. Et c'était à cet instant de deuil qu'il s'affirmait et se décider à ce que plus jamais on ne fasse ces erreurs. Que si guerre il y avait, ils feraient tout pour l'éviter. Les problèmes du monde n'était pas les leurs.
S'il fût un bon mari ? Il n'a jamais eu l'arrogance et l'orgueil de le demander à son épouse. Il l'aimait de tout son coeur, c'était indéniable, les années n'effaceraient jamais cela, elles ne feraient que le renforcer. S'il fût un bon père ? Il n'a jamais eu l'arrogance et l'orgueil de le demander à son fils et son épouse. Il a toujours veillé à faire de son mieux pour Legolas, l'élevant comme il le pouvait en assumant sa charge de roi. Il aura toujours veillé personnellement au développement de son fils, bien qu'il ait pu paraître comme un elfe intransigeant, trop demandant et parfois avec trop peu de pitié pour le petit elfe qu'était son fils, Thranduil songeait à bien faire en transmettant l'éducation que lui-même avait reçu, tout en comblant les possibles failles de son enfance ; pourquoi courir partout ? Tu as mieux à faire. Et si demain je tombais, que ferais-tu ? Thranduil avait préparé son fils à cela dès que celui-ci fût adulte. Et si froid et intransigeant pouvait-il être, Thranduil estimait que les intentions qui comptaient étaient celles qu'on ne remarquait pas toujours. Une brève caresse dans le dos, une main sur l'épaule. Un compliment, parfois. Des cadeaux inattendus, d'autres fois, simple ou extravagant.
Pour son épouse, il veilla toujours à ce qu'elle ait chaussure à son pied. Il aurait pu s'appauvrir pour elle, s'il le fallait. Les bijoux n'étaient jamais assez nombreux, pour elle. Quant à son fils, aucune éducation n'était trop bonne, jamais rien n'était assez bon pour son fils. Car sa famille est sa fierté, autant que l'est son peuple.
S'il fût un bon roi, il ne le sait pas véritablement. Un roi respecté, un roi qui était à l'écoute mais qui pouvait se montrer autoritaire. Un roi qu'on aimait autant que l'on craignait, un roi dont la colère n'était pas vive et claquante, mais sinueuse, vous prenant à la gorge, vous faisant frissonner et vous dire "là, j'ai fauté" avant même qu'il n'ait bougé ou parlé.
Les années passant, la forêt s'assombrissant, Thranduil ne se demandait jamais si l'état de la forêt avait à voir avec ses propres humeurs et sa propre mélancolie. Les années passaient et se ressemblaient.
A-t-il, dans toute sa vie de roi, fait les bons choix, prit les bonnes décisions ? Certains diront que non, après tout, quel roi pouvait se vanter d'avoir un règne parfait et sans faille ? Lui-même reconnaîtrait qu'il n'a pas toujours pris les bonnes décisions, parfois pas les plus justes, parfois pas les plus sages. Mais ce qu'il a fait, a toujours été dans l'intérêt de son peuple. A son goût tout du moins. Ne pas se mêler des affaires extérieurs à leur royaume, peu importait ce qu'il se passait hors de leur forêt. Ca ne les regardait pas. Aurait-il aimé, s'ils avaient été en difficulté, qu'on leur vienne en aide ? Tout dépendait. Sa dernière faute, si l'on pouvait appeler cela ainsi, était qu'il n'avait pas souhaité prendre part à la destruction de Smaug lors de son arrivée. Les rois nains étaient cupides, aveuglés par leur or. Ils étaient idiots. Pourquoi les elfes auraient-ils du leur venir en aide ? Thranduil ne savait que trop bien ce que coûtait une guerre. Il pouvait offrir de la nourriture, des boissons, des vêtements s'il le fallait. Mais jamais il ne ferait payer le prix de la cupidité des nains, à son peuple. Le prix de la vie, bien trop coûteux pour des gens qui ne le méritaient aucunement. Thranduil aurait pu venir en aide aux elfes de la Lorien s'ils le lui avaient demandés, sachant ce que coûtait ces demandes de la part de ses proches. Sachant que s'ils le lui avaient demandés, c'est qu'eux-même en dépendaient et n'avaient d'autres choix, qu'ils n'y pouvaient rien. Mais les nains ? Les nains l'avaient cherchés. Thranduil voulait préserver la vie des elfes et le ferait. Il préserverait son peuple, peu en importait le prix pour les autres. Il ne les gouvernait et gouvernerait pas. Ces décisions pouvaient être cruel, pouvaient montrer un grand manque d'empathie. Mais il n'en a que faire, un roi ne doit pas être que bon, sinon il est un idiot. Il doit aussi parfois savoir prendre des décisions lourdes comme fermer les portes de son royaume et enterrer celui-ci, loin des autres. Ne communiquer avec les hommes que pour des échanges commerciaux. Ne pas se mêler à des affaires qui ne le concernait pas et ne pas plonger son peuple dans la désolation. Si l'on devait dire de lui qu'il manquait d'empathie, qu'on le dise, aucun de ceux qui le dirait n'aurait vécu assez longtemps pour savoir pourquoi il était ainsi.
La sagesse n'était pas, à ses yeux, égal à la bonté. La sagesse était aussi savoir quelle bataille était perdue d'avance, quelle bataille éviter. Il assumerait ses décisions, toujours. Qu'importe ce que les autres en disent. Il n'y aurait guère que son épouse pour lui parler de cela et il n'y avait bien qu'à elle que le roi se confiait, il n'y avait qu'elle pour connaître le roi suffisamment pour savoir pourquoi il agissait de la sorte. Être roi était parfois aussi savoir porter un masque et prendre les décisions qui incombaient, qu'importe les risques et les avis des peuples extérieurs.